Difficile, pour le parent, de concevoir que son bambin utilise la manipulation pour obtenir de lui ce qu’il veut. Pourtant les phrases et comportements suivants font partie du quotidien de certaines familles : « Toutes mes copines y vont ! » (à la fête ) « Tous mes amis en ont un ! » (le dernier gadget à la mode) ; crise de colère et portes qui claquent avec en conclusion : « c’est toujours la même chose, si c’était mon frère/ma sœur, tu voudrais bien ! » Et sa variante : « Tu l’aimes (sœur/frère) plus que moi ! » « La mère de ma copine est beaucoup plus gentille/cool que toi », avec une variante très blessante, dans le cadre d’un divorce, lorsque l’enfant emploie le beau-parent. « Papa, lui au moins il m’aime ! » (La variante maman existe aussi). À cela, vous devez ajouter : l’extrême amabilité, suivie de demande de sortie, d’achat… ; les crises de colère et les menaces « si je ne peux pas jouer sur la tablette, je ne ferai pas mes devoirs » ou plus subtilement « Si je travaille bien à l’école je pourrai avoir… »
Comment réagir aux tentatives de manipulations de nos enfants et adolescents ?
Comprendre les raisons pour lesquelles ils utilisent la manipulation
Les raisons à l’origine de la manipulation sont nombreuses et toutes les manipulations ne sont pas perverses !
La pub soumet nos enfants quotidiennement à la manipulation « le bonheur dépend de telle ou telle chose », l’abondance matérielle est présentée comme un droit et gare aux parents qui oseraient frustrer leurs chers bambins.
Au-delà du bain de manipulation, celle-ci est un outil de communication inconscient pour pallier des difficultés. La manipulation limite les risques de confrontations, de conflits et donc de rejet qui en découleraient.
La manipulation a un sens, une fonction utile ! Dans la manipulation l’enfant exprime ses peurs : être puni, dévalorisé, de ne pas être à la hauteur des attentes de ses parents, de rentrer en conflit. Il dit ses craintes : celle d’être rejeté, de perdre le contrôle (c’est une réalité chez les enfants HP notamment), sa crainte de dire, d’oser.
Il peut aussi percevoir la culpabilité d’un parent : lors d’un divorce ou un parent qui estime ne pas en faire assez pour lui… il se sert alors de cette faille pour satisfaire des envies matérielles.
L’enfant manipulera ses parents, lorsqu’il se sent investi comme « objet unique d’amour ». Cet état se traduit souvent par des propos du type « Il/elle est tout pour moi, j’ai besoin de son amour » (en parlant de l’enfant). Dans cet état le parent se met totalementà la disposition de l’enfant, n’existe que pour lui. L’enfant pris dans cette dépendance utilisera différents procédés manipulatoires comme le mensonge pour prendre son autonomie…
L’enfant, l’adolescent manipulera par mimétisme, car il l’a appris, en nous regardant, en nous écoutant. Ils nous arrivent de manipuler nos enfants par bienveillance : « mange ta soupe, ça fait grandir » et même par ignorance : par nos non-dits, nos sous-entendus, nos flatteries….
La manipulation ne se transmet pas génétiquement. Par contre, les enfants soumis à la manipulation et à la perversion d’un parent seront obligés d’utiliser les mêmes mécanismes de manipulation pour parvenir à l’autonomie. La manipulation par mimétisme leur permet d’échapper à la toute-puissance du parent.
Comment agir lorsque l’enfant, l’adolescent use et abuse de procédé manipulatoire ?
Les parents se sentent souvent impuissants devant ces manipulations et contraints d’agir hors de leur cadre de valeurs.
Avant de vous donner des pistes, je souhaite attirer votre attention sur deux attitudes totalement contre-productives et qui renforcent les comportements indésirables.
Réagir de façon coercitive en punissant, menaçant, contraignant, renforcera les peurs et les besoins d’autonomie de l’enfant. Celui-ci mentira et manipulera afin échapper à sa responsabilité, pour maintenir son estime de soi en équilibre.
Le parent impuissant peut être tenté de laisser faire, de s’amuser du dernier bon tour de son « rejeton ». Cette attitude laxiste n’aide pas non plus l’enfant, l’adolescent à prendre sa place, ses responsabilités et son autonomie. Les enfants ont besoin de modèles cohérents et solides.
Pour agir efficacement, la première étape passe par la compréhension de la manipulation.
Qu’est-ce qui vous rend manipulables ? La culpabilité, l’amour fusionnel…
Quelles sont les raisons du comportement de votre enfant ? Le manque de dialogue, des limites mal définies, les habitudes familiales, une estime de soi faible, des peurs…
Une fois les causes établies, vous pourrez passer à l’action.
Adoptez des attitudes sécurisantes et rassurantes. Écoutez, consolez, câlinez…
Apprenez à distinguer besoin et envie, le besoin est général selon l’âge de l’enfant, il sera satisfait plus ou moins rapidement (manger, boire, être propre, rassurer, jouer…). L’envie est particulière, elle peut être différée, voire abandonnée (la demande d’un nouveau jeu pourra être reportée, la découpe du poisson rouge abandonnée). Par contre, en tant que parent nous gagnons à entendre les envies de nos enfants (l’envie de découper le poisson rouge vient peut-être d’un besoin de savoir ce qui se passe à l’intérieur et cette envie-là peut être satisfaite par la lecture…)
Définissez les règles de fonctionnement et les limites de la famille, dans le même temps entraînez-vous à dire « NON » (ce n’est pas un gros mot) tout en reconnaissant les émotions de vos enfants. « NON » n’est pas un refus de dialogue et des désirs de l’enfant.
Renforcez l’estime de soi de vos enfants par une éducation bienveillante. Rétablissez la confiance : faites la part des choses entre vos perceptions, vos pensées, vos interprétations et vos émotions.
Grandir en confiance ce sont des conférences, des ateliers et des consultations individuelles pour des parents et des enfants bien dans leurs baskets et leur tête !