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Détecter les mensonges chez les gens manipulateurs
Voici la vidéo de mon dernier webinaire : Comment décoder le corps, le mensonge et la manipulation afin de s’affirmer avec bienveillance?
Voir les mensonges représente un défi en soi. Pourquoi? Parce que l’on ne détecte que les mensonges qui nous ont sauté aux yeux! Les autres, comme on ne les a pas vus, on ne sait pas comment les détecter? Voir le mensonge, la tromperie, l’omission, cela implique de changer de lunettes et d’accepter la responsabilité qui vient avec le développement de la capacité. Le psychologue Robert Feldman racontait que, parmi les clients qu’il rencontre, 60% vont lui mentir. Cela veut donc dire qu’il doit savoir quoi faire avec cet état de fait!
L’enjeu et l’émotion
Pour vraiment déceler une tromperie, il est crucial de comprendre que «le mensonge vit étroitement avec deux compagnons : l’enjeu et l’émotion», comme l’explique Claudine Biland, docteur en psychologie sociale. Le fait de mentir peut entraîner l’apparition de l’émoi. Ce n’est pas toujours le cas.. En effet, comme le mentionne le chercheur Guy Barrier : «lorsqu’une personne ment, une certaine émotion n’est perceptible que si elle éprouve de la culpabilité ou de la crainte d’être démasquée.»
Si cela survient, il y aura alors l’apparition sur le corps des signes reliés à cet état. Mme Biland indique que : «Plus l’enjeu est important, plus les réactions comportementales risquent d’être visibles et plus le contrôle de ses comportements par l’émetteur sera ardu.»
Il est donc possible de voir le mensonge, puisque ce dernier est créé dans le cerveau qui va devoir générer des efforts différents de ceux relatifs à l’énoncé de vérité. «Dans le mensonge, il y a conflit entre les paroles et la pensée. Une telle contradiction influe sur le fonctionnement du système nerveux, entraînant des modifications du rythme cardiaque, de la respiration et de la sudation.»
Lorsqu’une émotion est présente, il s’agit généralement de la peur d’être découvert et la honte. Il est aussi possible qu’une émotion positive ressorte : le délice de la duperie. Mais, dans les faits, il n’y a pas toujours une émotion. En effet, un menteur aguerri, un bon acteur, ne laissera pas la peur l’envahir. Et cela rend la détection du mensonge plus difficile encore.
Taux de réussite
Les psychologues Charles Bond et Bella DePaulo ont passé en revue 200 études sur la capacité à détecter les mensonges. Les résultats démontrent que le taux de réussite est seulement de 54%. C’est désastreux, à peine meilleur que le hasard! Alors comment peut-on déceler un mensonge? Que faut-il observer, écouter et analyser pour comprendre que l’on est en train de se faire embobiner? En fait, il y a plusieurs indices qu’il est important de déceler.
Sachez cependant que les femmes sont généralement de meilleurs détecteurs de mensonges que les hommes, surtout lorsqu’il faut décoder le langage corporel. Pourquoi? Tout simplement parce qu’elles sont davantage habituées à écouter l’autre, à parler des émotions et à les observer pour mieux comprendre les réactions d’autrui. Marwan Mery avance l’explication suivante :
«Très certainement parce que les femmes sont, en règle générale, plus tournées vers autrui, plus à l’écoute de l’autre et plus réceptives aux émotions affichées. Les sociétés occidentales influent lourdement sur l’expressivité féminine. On apprend aux petits garçons à être forts, à masquer la douleur, à braver la peur, alors qu’on encourage les petites filles à laisser exprimer leurs peines, leurs émotions, leurs sentiments. Par conséquent, elles développent une sensibilité plus prononcée vis-à-vis de l’expressivité émotionnel et de la communication, ce qui se traduit par une plus grande capacité d’écoute et de réceptivité.»
Dépenser de l’énergie
Mentir demande de l’énergie, tant au corps qu’au cerveau. Les recherches démontrent que le mensonge active un réseau de structures cérébrales dans des zones impliquées dans le fonctionnement de la mémoire de travail et la régulation de la pensée parce que le processus exige plus d’effort (contrôle cognitif, résolution d’interférence, inhibition).
Des recherches de Daniel Langleben, psychiatre à l’Université de Pennsylvanie, ont permis de constater que lorsqu’un individu ment, on observe une «variation de l’activité cérébrale dans une région particulière : le gyrus cingulaire antérieur». Ce dernier se situe dans le système limbique et agit dans les prises de décisions conflictuelles. D’après le Dr Langleben, «c’est dans le gyrus cingulaire qu’est prise la décision de mentir. […] Dès que l’on ment sciemment, un conflit surgit, qui se traduit par une augmentation de l’activité du gyrus cingulaire : mentir demande plus d’efforts que dire la vérité.» Marwan Mery ajoute :
«La vérité est «livrable» sans processus cognitif. Elle est stockée dans notre mémoire, et peut être fournie à tout moment, en l’absence d’effort particulier. […] Le mensonge, quant à lui, requiert des efforts proportionnels à son caractère. Il est normalement plus facile de s’en sortir en privilégiant l’omission plutôt que la création d’un mensonge gargantuesque.»
Des chercheurs ont analysé les enregistrements vidéo d’interrogatoires de gens soupçonnés de vol, d’incendie criminel, de viol ou de meurtre. Ils ont découvert que le mensonge entraîne une réduction des clignements de paupières, des mouvements des mains et des doigts et un allongement des pauses verbales. Ces signes témoignent des efforts cognitifs associés au fait de mentir. Cela veut donc dire que, comme le mensonge demande des efforts, il y a des chances que des indices de tromperie soient visibles.
«Plus l’émotion impliquée dans le mensonge est intense, plus le nombre d’émotions différentes est élevé, plus le mensonge risque d’être trahi par une «fuite» comportementale.»
Il importe donc d’être attentif et observateur afin de poser des questions pertinentes au moment opportun. Pour cela, il faut que vous soyez en forme, alerte et dans une attitude positive. Si vous avez un état d’esprit suspicieux, la vérité restera bien enfouie.
Techniques de mensonges
Voici 5 techniques utilisées par les menteurs et menteuses. Il en existe d’autres que je vous dévoilerai dans un autre article!
Technique no 1 : Noyer le poisson
Les meilleurs mensonges sont ceux qui sont enveloppés d’une grande part de vérité. Une façon simple de faire passer une tromperie, c’est donc de l’incorporer dans un discours véridique relayant moult détails. Marwan Mery parle, entre autres, de la technique du pont. Il s’agit essentiellement de donner beaucoup de détails sur un sujet pour noyer l’élément sur lequel on ne veut pas être questionné. Il peut aussi arriver que l’on utilise aussi cette technique quand on souhaite prendre une distance face à l’événement ou lorsque l’on juge que l’information n’est d’aucun intérêt. Dans ce cas, l’ajout de questions ouvertes permet généralement de faire la part des choses. S’il s’agit d’un mensonge, le menteur cherchera des moyens d’éviter de répondre à des questions portant sur le sujet de la tromperie.
Technique no 2 : Réciter son texte
Les menteurs un peu moins expérimentés ou les complices utilisent une stratégie pour être certains de ne pas faire d’erreurs et pour faire concorder leurs versions. Il s’agit d’utiliser les mêmes termes à chaque fois qu’ils racontent leur histoire. En effet, il est ardu de raconter plusieurs fois un mensonge à la même personne sans se tromper dans les détails parce que le menteur n’a pas réellement vécu ce qu’il exprime.
Technique no 3 : Se dissocier de l’objet
La dissociation cognitive est fort utile au menteur parce qu’elle lui permet de mieux supporter lui-même son propre mensonge et de ne pas créer, dans l’esprit de son interlocuteur une association entre le reproche et le menteur. Elle crée une mise à distance. Mais elle devient aussi un outil pour le détecteur de mensonge si l’on est attentif aux propos et aussi au langage corporel.
Ce qui est intéressant avec la dissociation cognitive, c’est qu’elle survient à l’insu de la personne qui parle. J’observe régulièrement ce phénomène lors de mes séances de coaching. En effet, lorsque l’un de mes clients essaie de contourner un sujet parce qu’il sait qu’il n’a pas été à la hauteur, il cherche, dans son discours, à prendre une distance avec ce point. Il est en de même si mon client n’aime pas sa réalité.
Technique no 4 : Éviter la question
Il existe bien des façons d’essayer de ne pas répondre ou de gagner du temps. Généralement, quelqu’un qui ne veut pas fournir l’information demandée va trouver des moyens pour étirer le temps afin de structurer un mensonge. Pour ce faire, plusieurs options s’offrent au menteur :
- répéter la question,
- faire semblant de ne pas avoir compris la question,
- être occupé à autre chose.
Technique no 5 : Faire une affirmation générale, une généralisation, une exagération
L’utilisateur de termes généraux, comme le mentionne Marwan Mary, et la généralisation est aussi très efficace pour ne pas répondre à une question. Par exemple, quand j’ai demandé à un employé s’il lui était déjà arrivé de ne pas retrouver tout le matériel informatique pris chez son employeur, sa réponse est venue rapidement :
- Ben là! Je ne ferais jamais ça. Et ça ne m’est jamais arrivé. Je rapporte toujours le stock. Je suis un homme d’honneur.
Il y a beaucoup de termes catégoriques dans cette phrase : jamais, toujours! La personne veut vraiment me convaincre, peut-être même trop.
Vous l’aurez deviné, les différentes stratégies présentées sont rarement utilisées de façon isolée. Généralement, un menteur va perfectionner son art et faire preuve de créativité afin de ne pas se faire prendre. Il importe donc de revoir régulièrement cette liste afin de vous familiariser avec les possibilités et d’être en mesure de les détecter quand elles vous seront servies.
Annabelle Boyer, CRHA, M.SC Administration, génagogue et auteure
Analyste du langage corporel, détection des mensonges et experte en comportement manipulateur