La cicatrice de l’humiliation

La cicatrice de l’humiliation

Que c’est dur d’ouvrir une cicatrice d’humiliation.
Que c’est dur d’être utilisé, mangé par les autres.
Que c’est dur de se faire contrôler, manipuler par quelqu’un.
Que c’est dur de répondre aux attaques quand on n’y est pas préparé.

Se retrouver dans sa blessure d’humiliation en tant qu’adulte est une épreuve douloureuse qui vient vous chavirer le cœur, qui vient vous détourner de votre chemin que vous essayez tant de fois de suivre pour être au plus près de vous-même.

Hier, je me suis retrouvée dans cette insécurité de moi-même, la cicatrice de l’humiliation béante. C’est une nouvelle fois, où je n’ai pas réussi à m’imposer ou plus justement à me respecter.

J’ai laissé dire des mots sortir encore et encore de la bouche de l’autre sans pouvoir répondre avec valeur, puissance.

J’ai laissé la personne me dominer. Je l’ai laissé m’adresser des mots durs, injustes et humiliants.

Dans ces moments, on perd le contrôle de soi. On demeure alors tellement sidéré par la froideur et le contrôle de l’autre que notre cerveau s’en retrouve figé. Comme si plus rien ne fonctionnait.

J’avais les mots cassés, l’esprit embrumé et le cœur coupé.

Mes émotions avaient pris le dessus et je me retrouvais dans l’incapacité à gérer cette situation.

Puis, plutôt que de prendre ma place comme j’aurais dû le faire, j’ai essayé de trouver en moi une espèce d’alignement pour ne pas rentrer en conflit et cela m’a fait courber le dos.

J’ai voulu garder la tête haute en apparence et ne montrer aucune émotivité devant les autres. Je me répétais sans cesse dans la tête que j’étais trop sensible. Je me sabotais et laissais davantage s’ouvrir la cicatrice de l’humiliation.

J’aurais dû pourtant réagir, j’aurais dû dire ce qui se passait en moi. J’aurais dû arriver à exprimer ce qui me chamboulait, me détruisait à petits feux à chaque parole que j’entendais.

Mais je n’ai pas réussi. Le « j’aurais dû » n’a pas pris sa place. Il ne s’est pas imposé et il s’est muré dans le silence.

J’ai accepté comme j’ai pu la situation présente, l’embarras, le décalage que je ressentais s’installer. J’ai essayé de disparaître même. J’aurais donné n’importe quoi pour m’enfuir de cette situation insupportable.

Mais je ne l’ai pas fait.

Alors j’ai pris en pleine face.

Cependant, ce dont je ne m’étais pas rendue compte, c’est que cette personne avait touchée ma blessure d’humiliation, celle avec laquelle j’essaie de vivre depuis de nombreuses années.

Je me suis retrouvée, feutrée, repliée, cabossée dans le corps et l’âme de cette petite fille qui fut tant de fois humiliée, harcelée à l’école parce que j’étais soi-disant différente, pas belle, trop émotive parce que d’autres arrivaient à dominer le monde et moi je n’arrivais qu’à regarder la terre.

Je baissais les yeux plutôt que d’être plus grande.

La blessure d’humiliation en plein cœur à 44 ans, ça fait mal encore, ça revient mettre les compteurs à zéro et on se dit alors qu’en un instant tant de chemins parcourus vous ramènent à la case départ avec une violence incroyable.

Je me suis retrouvée à cette place du néant où tout doit recommencer à nouveau, où je dois une nouvelle fois agir pour redémarrer.

J’ai eu la chance de pouvoir exprimer tout cela à mon mari. Il avait été témoin de cette situation humiliante, ce qui a favorisé les échanges et ce qui a permis de me conforter dans ce que j’avais perçu de cette situation.

J’ai pu ouvrir mon cœur blessé et saigné sans crainte. J’ai déposé ma blessure d’humiliation. Mes mots arrivaient à sortir avec lui. Mon discernement refaisait surface et grâce à ce moment-là de partage, de soutien et d’amour, j’ai pu me relever plus rapidement.

J’ai pu guérir une partie de cette blessure qui m’a détruite il y a tant d’années, qui me poursuit encore et encore. La vie est cet apprentissage de guérir cet enfant devenu adulte. Arriver à « dealer » avec cette poursuite de la vie tant meurtrie sans qu’on ne s’en rende compte.

Ce sont très souvent les relations de votre entourage qui vous claquent en pleine figure, qui vous font prendre conscience de cette obscurité qu’on ne mérite pas malgré tout.

Il faut l’accepter et se nourrir de cette blessure pour en faire petit à petit une force et ainsi affirmer sa place à chaque instant.

On a alors l’impression que c’est une bataille sans fin. Travailler sur soi est épuisant. Avancer de dix pas et en reculer de 12 est exténuant.

Le cœur n’est pas armé pour se défendre sans cesse. Et c’est malheureusement très souvent dans la douleur, cicatrice ouverte, au précipice de la mort que l’éveil se fait, que la prise d’élan s’amorce.

Et c’est seulement lorsque j’ai pu communiquer tout ce que j’avais sur mon cœur que j’ai envisagé ma guérison en posant cette intention de respect pour moi-même, celle de ne plus me laisser manipuler, dominer et ainsi réaliser mon chemin avec mes valeurs, mon authenticité et surtout du respect enfin pour moi-même.

Je suis fière de mon chemin parcouru même si les cailloux m’ont fait tant de fois mal.

Je suis heureuse, ce matin, en écrivant ces mots, de pouvoir dire que j’ai avancé dans ma guérison, dans mon espace intérieur et extérieur.

Ce qui est malgré tout terrible, c’est d’en arriver toujours à ce constat affligeant que la nature humaine ne prend pas soin des autres. Elle est sauvage et égocentrique.

Nous sommes tous faits de ce bois même si nous prétendons le contraire. En revanche, ce dont nous sommes tous capables c’est de se mettre à la place de l’autre et de sentir à quel moment on dépasse les limites, à quel moment on provoque une souffrance chez l’autre.

J’aurais aimé que l’autre personne se rende compte qu’elle allait très loin dans ses propos. J’aurais aimé qu’elle réagisse et me prenne dans ses bras en disant pardon.

Mais on ne peut pas attendre cela indéfiniment. Se remettre en question est parfois un travail silencieux et je n’ai aucun doute sur cette capacité qu’elle aura à le faire par rapport à cette situation.

Chacune devait apprendre, grâce à cet instant précis, pour probablement, faire entendre une profondeur de l’âme, pour certainement laisser crier ce qui encombre encore et encore notre coeur.

Même si j’ai eu mal, même si mes pleurs m’ont déchirée face à ma vulnérabilité que je n’ai pas su accueillir, j’ose dire que je reprends le chemin plus affirmée, déterminée dans mes responsabilités de sortir plus grandie en tenant la main à cette petite fille humiliée, avancer plus élevée dans ma conscience et dans le respect que je veux me donner enfin.

Continuer avec ma belle résilience qui me fait avancer et c’est tout sans rien espérer, sans rien attendre, simplement en m’aimant pour qui je suis et ne plus laisser les autres m’envahir et m’humilier.

Nelly

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