Les messages écrits ont envahi nos vies. SMS, textos, e-mails, messages vocaux… On croit qu’on communique, qu’on se comprend. Mais en réalité, combien de disputes ont commencé par une simple phrase mal interprétée ? Combien de relations ont été mises à mal à cause d’un texto envoyé sur un coup de tête, sans nuance ni contexte ? Trop. Beaucoup trop.
Au cours de ma vie, je me suis souvent retrouvé dans cette situation. Une conversation qui commence normalement et qui, en quelques échanges, se transforme en malentendu géant. Une réponse perçue comme froide alors qu’elle était juste concise. Un délai de réponse interprété comme du mépris alors qu’il n’était qu’un moment d’inattention. Une tournure de phrase qui, sans le ton de la voix ni le langage corporel, prenait un sens totalement différent.
Et pourtant, on continue. On privilégie ces échanges écrits parce qu’ils sont rapides, pratiques, accessibles. On se dit qu’ils sont suffisants. Mais si l’on y regarde de plus près, cette forme de communication est un champ de mines. Elle crée des tensions là où il n’y en aurait pas eu. Elle alimente des disputes qui auraient pu être évitées. Et même si aucun chiffre officiel ne peut confirmer que 90% des disputes viennent de là, il suffit de regarder autour de soi – et en soi – pour voir à quel point ces échanges écrits sont devenus toxiques.
Pourquoi nous ne parlons plus et privilégions ce type de communication
Il y a une époque où, quand on voulait parler à quelqu’un, on le voyait en face-à-face. On entendait sa voix, on observait ses expressions, on ressentait son énergie. Aujourd’hui, on envoie un message. Pourquoi ? Parce que c’est plus simple. Moins engageant. Moins risqué, en apparence.
« Le plus grand problème dans la communication, c’est l’illusion qu’elle a eu lieu. »
– George Bernard Shaw
Les textos et les e-mails permettent d’éviter l’inconfort des discussions difficiles. Plutôt que de gérer les silences, les émotions, les regards, on se cache derrière un écran. On se donne du temps pour répondre. On contrôle notre image. Mais ce contrôle est un piège : il nous éloigne du vrai dialogue, de l’authenticité, de la compréhension mutuelle.
Autre facteur : la peur du conflit direct. Beaucoup préfèrent envoyer un message bien formulé plutôt que d’affronter une conversation en temps réel. Parce que par écrit, on peut réfléchir à ses mots, éviter d’être pris de court, garder une certaine distance. Mais cette distance est aussi ce qui nourrit les malentendus et les tensions.
Les mots, c’est seulement 7% de la communication : tout le reste, c’est ce que tu ne vois pas
On croit souvent que parler, c’est juste aligner des mots, balancer des phrases et espérer que l’autre comprenne. Mais si c’était aussi simple, les malentendus n’existeraient pas, et on ne passerait pas notre temps à se prendre la tête pour des broutilles. Albert Mehrabian, un psychologue spécialisé dans la communication, a établi une règle bien connue :
7 % des messages passent par les mots
38 % par le ton de la voix
55 % par le langage corporel.
En gros, quand tu lis un message, tu n’en captes qu’une infime partie. Tout le reste – les émotions, l’intention, la nuance – se perd dans le néant.
« Les mots sont une source de malentendus. »
– Antoine de Saint-Exupéry
Tu vois le problème ? Quand tu envoies un message, tu envoies 7 % de ton intention réelle. Et tu laisses les 93 % restants à l’interprétation de la personne qui le lit. Ça veut dire quoi ? Que ce n’est pas ton message qui décide de la façon dont il est reçu, mais l’état émotionnel de celui ou celle qui le reçoit.
Nous comblons les vides avec la projection
Notre cerveau déteste le vide. Il cherche constamment à donner du sens aux choses, même quand il n’y en a pas. Et quand un message est flou, incomplet, ou ambigu, il se met en mode détective, mais sans aucune preuve concrète. Il comble les trous avec ce qu’il a sous la main : nos émotions du moment, nos insécurités, nos expériences passées.
Un simple « OK » reçu après un message important… Est-ce un accord sincère ? Une réponse froide ? Une marque de désintérêt ? Si tu es confiant et détendu, tu le liras de façon neutre. Mais si tu es inquiet, stressé ou en colère, tu risques d’y voir une forme de mépris. Le message n’a pas changé, c’est ta perception qui en altère la signification.
« Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que tu veux entendre, ce que tu entends, ce que tu crois comprendre et ce que tu comprends, il y a dix possibilités de ne pas se comprendre. »
– Bernard Werber
Ce phénomène est amplifié dans les relations tendues. Un retard de réponse devient un signe d’évitement. Un point à la fin d’une phrase est perçu comme une froideur soudaine. Un « j’ai compris » semble cacher une rancune non exprimée. Tout cela parce que l’écrit ne nous donne pas les indices dont nous avons besoin pour comprendre l’autre.
Et c’est ainsi que naissent les disputes absurdes. Des confrontations basées sur des suppositions, des ressentis biaisés, des projections qui n’ont aucun lien avec l’intention initiale du message. Combien de fois as-tu répondu avec agacement, pour te rendre compte plus tard que tu avais tout simplement mal interprété la situation ?
La vérité, c’est que nous lisons les messages non pas tels qu’ils sont écrits, mais tels que nous sommes au moment où nous les lisons. Et tant qu’on ne prendra pas conscience de ce biais, on continuera à laisser nos émotions dicter nos réactions, plutôt que la réalité de la conversation.
Cela crée des conflits qui n’existeraient pas en face-à-face
Combien de disputes auraient pu être évitées si elles avaient eu lieu en face-à-face ? Probablement la majorité. Parce que dans une vraie conversation, il y a un élément clé que les messages écrits détruisent : l’humanité.
Quand tu es devant quelqu’un, tu ressens son énergie. Tu vois son regard, son sourire gêné, sa posture. Une phrase qui pourrait sembler sèche par message est immédiatement nuancée par un ton doux, un geste apaisant, une intonation qui montre qu’il n’y avait aucune mauvaise intention. Mais avec un écran entre vous, ces indices disparaissent. Il ne reste que des mots bruts, vides d’émotion réelle, prêts à être déformés par le prisme de ton humeur du moment.
Imagine cette situation : tu envoies un message long et détaillé expliquant ce que tu ressens, quelque chose qui te tient à cœur. La personne te répond : « Fais comme tu veux. »
Là, c’est terminé. « Fais comme tu veux » ? Sérieusement ? Tu le lis et tu ressens immédiatement une montée de frustration. « Il s’en fiche complètement ? Il ne veut même pas donner son avis ? C’est censé être une réponse ? »
Tu t’énerves, tu répliques avec sarcasme ou agacement, et l’échange dérape en confrontation. Mais de l’autre côté, la personne n’avait peut-être aucune intention négative. En face-à-face, elle aurait pu dire la même phrase, mais avec un ton bienveillant, un haussement d’épaules, un regard sincère montrant qu’elle te fait confiance pour décider.
« L’énergie que tu dégages en parlant est plus importante que les mots que tu utilises. »
– Tony Robbins
Face à face, ce scénario n’aurait pas eu lieu. Un « fais comme tu veux » aurait été accompagné d’un sourire, d’une nuance dans la voix, ou d’un complément expliquant : « Je te fais confiance, je sais que tu prendras la bonne décision. » Mais par message ? Il devient une réponse sèche, indifférente, voire méprisante.
Que devrions-nous faire pour éviter les conflits ?
La solution est simple, mais demande un effort : parler.
Si un sujet est important, ne l’écris pas. Prends ton téléphone. Fais un appel. Mieux encore, vois la personne en face. Une minute d’échange oral vaut mille messages écrits.
Apprends à identifier quand une conversation par message commence à déraper. Dès que tu sens que le ton monte, arrête d’écrire et propose un appel. La majorité des disputes s’évitent ainsi.
Et surtout, rappelle-toi que l’écrit n’est pas la réalité. Il est une version tronquée de la communication, une illusion d’échange. Ne laisse pas quelques mots mal interprétés détruire une relation qui, en face-à-face, aurait pu être harmonieuse.
Alors, la prochaine fois que tu es sur le point d’envoyer ce message, demande-toi : « Ne vaudrait-il pas mieux en parler directement ? »