Quand un conflit éclate au sein d’une équipe, c’est toujours bien délicat à gérer. Le gestionnaire étant responsable et imputable du climat de travail, il ne peut pas fermer les yeux et espérer que le temps arrange les choses tout seul. Qui plus est, lorsque des employés sont appelés à se côtoyer sur une base régulière, il est bien illusoire de croire que les animosités vont s’estomper. Au contraire, elles couvent dans l’ombre et prennent des proportions titanesques si bien que lorsqu’elles éclatent à nouveau, ce n’est plus un simple conflit, c’est un tsunami d’émotions négatives, de perceptions erronées, de rancune accumulée et de revendications impossibles à combler.
Dans un conflit, rien n’est jamais simple, blanc ou noir, gentil ou méchant. Tout est une question d’angle et de point de vue. Les souvenirs se modifient avec l’émotion, certains même se créent de toutes pièces. Bien que nos mécanismes de défense puissent nous jouer des tours, le corps, lui, est très authentique et révèle énormément d’informations, à l’insu même de la conscience, et bien avant elle d’ailleurs. La synergologie permet de mieux comprendre, mieux communiquer, mieux intervenir parce que l’analyse du non-verbal vous donne cette distance salutaire, ce recul nécessaire et vous recentre sur vos propres réactions.
Les conflits sont courants au sein des entreprises. Ils peuvent avoir pour déclencheur un incident anodin qui prend des proportions, parce que mal géré. Dans ce dédale d’émois, de subjectivité, de perceptions et d’agressivité, il y a le non-verbal qui, lui, est fort éloquent. Parfois même trop, du moins pour certains. Car, il faut bien l’avouer, voir le mépris, la colère, le dégoût, la déception dans le visage de l’autre, c’est dérangeant. Même si la personne ne dit rien, vous voyez tout de même son état et, si vous êtes le moins du monde empathique, vous y êtes sensible. Vous l’encaissez et vous y réagissez.
I– QU’AVEZ-VOUS OBSERVÉ ?
Lors d’un précédent article, je vous ai proposé un exercice : vous observer. Avez-vous noté votre position assise lors des réunions ainsi que celle de vos collègues, l’inclinaison de votre corps lors de ces rencontres, l’orientation du croisement de vos jambes vers la porte ou vers un collègue de même que la position de vos mains? En situation de conflit, il est primordial de vous observer parce que si vous êtes vous-même envahi, affecté, touché personnellement, votre observation sera biaisée par votre propre état. Quand nous vivons une émotion forte, notre cerveau utilise différents mécanismes de défense, dont la projection, c’est-à-dire la transposition de nos propres sentiments vers l’autre. Si vous cherchez un menteur, vous ne verrez chez votre interlocuteur que ce qui vous donne raison.
C’est pourquoi je vous propose un outil : demandez-vous ce que vous cherchez à observer. Est-ce la relation avec l’autre dont vous voulez connaître la nature? Est-ce l’émotion précise de l’autre que vous souhaitez identifier et percer? Est-ce ses propos (cognitions) pour lesquels vous voulez savoir s’ils sont exacts ou inventés? Selon ce que vous voulez connaître, votre attention ne se portera pas tout à fait sur les mêmes éléments. Dans la clarification de la relation, on recherche l’authenticité. Dans l’identification de l’émotion, on s’oriente vers la sincérité. Dans l’analyse de la cognition, c’est la vérité qui est au cœur de l’observation.
Imaginons que, pour cet article, c’est l’émotion de l’autre que vous souhaitez identifier. Rappelons-nous que l’hémisphère gauche pilote la partie droite du corps. Cet hémisphère est la zone de la logique, du langage, de l’organisation de la pensée. Inversement, l’hémisphère droit pilote la partie gauche du corps. C’est la zone de la créativité, de la plus grande émotivité, des liens affectifs et cognitifs et, donc, des concepts. Cela signifie que le côté gauche du corps de votre interlocuteur est plus sincère, plus émotif, plus spontané et témoigne de ce qui compte pour lui. Son côté droit est plus contrôlé et fait davantage référence à ce qui est extérieur à lui.
II– OBSERVEZ-VOUS !
En situation de conflit, comme pour le reste, le principe du « to freeze, to fly, to fight » s’applique totalement. En premier, on fige, en deuxième on cherche à s’éloigner (se sauver) et, en dernier recours, on confronte (on se défend). Quand une dispute survient, les gens sont surpris et on observe un gel des mouvements. Rappelez-vous une discussion houleuse que vous avez déjà observée : le temps se suspend. Les gestes s’arrêtent brusquement, les paroles s’estompent. Un silence s’installe. Notre malaise est alors visible : un léger recul de la tête, un transfert de poids éloignant notre corps de l’origine de la dispute, un rapprochement des bras près du corps, un croisement des jambes dans la direction opposée des interlocuteurs en colère. Notre corps se referme, se protège pour ne pas être mêlé à l’histoire en cours. C’est normal.
III– SIGNES DE MALAISE
En situation de malaise, diverses démangeaisons apparaissent. La contradiction entre la volonté (parfois plus ou moins consciente) et la réalité affirmée fait réagir le corps. Si votre interlocuteur souhaite partir, elles surviendront au niveau des jambes. Les démangeaisons des membres supérieurs (bras) témoignent du besoin de se protéger ou de passer à l’action. Soit dit en passant, si, à la lecture des propos sur les démangeaisons, ça se met à vous piquer un peu partout, c’est normal. Ce sont vos neurones miroirs (neurones de l’empathie) qui s’activent. C’est le même principe que d’avoir envie de bâiller devant le bâillement d’un autre.
Évidemment, il importe de regarder l’ensemble du corps. Une démangeaison de malaise permet généralement de mettre un bras entre le corps de l’interlocuteur et le nôtre. On forme, en quelque sorte, un bouclier. Elle peut permettre aussi de cacher une partie du visage, de protéger le plexus solaire et, donc, de refermer la bulle, de camoufler l’émotion. Une démangeaison faite en se rapprochant de l’autre serait plutôt un moyen détourné pour entrer en relation. La personne ne sait pas comment s’y prendre et se rapproche physiquement.
Les transitions de positions assises indiquent un changement d’émotion chez l’interlocuteur et un repositionnement de son intérêt et de ses arguments. En situation de conflit, la personne mal à l’aise va osciller sur sa chaise. Le moment où survient ce repositionnement est un indicateur. Identifiez le sujet de conversation juste avant la modification de la posture et vous aurez une idée de ce qui dérange. Regardez quelle position l’autre prend finalement. Est-ce qu’il s’éloigne de vous (fuite, recul, analyse), se rapproche (hésitation, échange, intérêt, argumentation) ou s’appuie au bras de la chaise (timidité, stress de performance)?
Les mains disparaissant sous la table, dans les poches, sous les manches témoignent d’un malaise qui peut être intense. La personne tente de dissimuler de l’information, de ne pas se dévoiler, de ne pas s’engager dans une conversation qui pourrait s’avérer risquée.
Puis, il y a toujours ce qu’en synergologie on appelle la goutte de malaise. Quand quelqu’un n’apprécie pas la question qui lui est posée ou le sujet abordé, il s’empresse de prendre une gorgée d’eau pour se donner le temps de confectionner une réponse crédible, mais aussi parce que le propos lui passe en travers de la gorge.
IV– SIGNES DE COLÈRE
La colère entraîne une contraction musculaire importante. Le centre des sourcils est tiré vers le bas, provoquant des rides verticales au-dessus du nez, les yeux sont dissymétriques, parfois mi-clos, le visage devient rouge.
La bouche reste fermée ou entrouverte, mais les lèvres deviennent très rouges et, si elles sont retroussées, découvrent les dents de la mâchoire supérieure comme un animal prêt à mordre. Le rythme cardiaque et la respiration s’accélèrent, le corps, ramassé sur lui-même par des muscles tendus, semble prêt à bondir. On observe une dilatation des narines, une rétractation des pupilles, une fixation du regard, un affaissement de la paupière inférieure. En effet, dans la colère, c’est le blanc du bas de l’œil qui est plus apparent.
Les gens en colère ont des gestes plus rectilignes en raison de la contraction musculaire. Les gestes sont plus rapides, mais aussi plus lourds. La démarche est plus sonore aussi. On croirait entendre un éléphant qui se déplace. Tout cela survient en raison de l’hypertonicité.
La colère entraîne une augmentation de la température au niveau du visage, du torse et des poings, d’où la rougeur observable sur le haut de la poitrine, le cou, les joues. Si elle est intense, elle entraîne un tremblement de la lèvre supérieure. Cette lèvre est alors très mince, presque invisible tant elle est tendue. Lorsque la colère est vécue sur de longues périodes dans la vie d’un individu, elle creuse les rides de chaque côté du nez.
Comment mieux décoder nos collègues afin d’améliorer nos relations. Entrevue à l’émission d’Isabelle Maréchal au 98.5 FM
CONCLUSION
En conclusion, retenez que le mot est cogestuel : le corps parle et les mots appuient ou tentent de camoufler. L’interlocuteur ne peut pas contrôler l’ensemble de son corps et plusieurs de ses réactions ne sont conscientes que plusieurs secondes après leur apparition. Soyez donc indulgent. Dans un conflit, sur le coup de l’impulsion, on a affaire aux émotions viscérales. Ce n’est que plus tard, avec l’intellectualisation, que les émotions vont se transformer, même se complexifier. L’utilisation de la communication non violente devient alors un atout indéniable tant verbalement que non verbalement.