Qu’est-ce que l’amour véritable ? Cette question existentielle qui vient à nous dès que le verbe aimer rentre dans nos cœurs.
Lorsque deux Êtres se rencontrent et qu’une connexion d’amour s’établit entre eux, que des liens inexplicables se tissent, tous deux souhaitent profondément que leur relation dure aussi longtemps que possible.
Cependant, cette rencontre est celle de deux identités différentes, avec chacune leurs qualités et leurs défauts. La non-acceptation de ces deux faces indissociables, conduit bien souvent à la désillusion, aux disputes puis à la rupture.
Si l’amour anime réellement ces complices de Vie, pourquoi n’arrivent-ils pas à s’accepter dans leur totalité ?
Faut-il faire des compromis en amour pour que la relation s’inscrive dans la durée et soit emprunte de sérénité ?
Et si la clé de cette relation longue et paisible souhaitée profondément par chacun, n’était qu’une question de choix ? Le choix de l’amour inconditionnel. Le choix d’accepter l’autre tel qu’il est sans vouloir le changer. Le choix d’embrasser ses défauts autant que ses qualités. Un tout faisant de cette personne un Être unique vers lequel notre cœur s’est laissé porter.
« Le commencement à l’amour est de laisser ceux qu’on aime être parfaitement ce qu’ils sont, et non les changer afin qu’ils collent à notre image. Car dans ce cas, ce ne serait que le reflet de nous-mêmes que nous aimerions à travers eux. »
– Thomas Merton
Sortant de son sommeil, ses yeux se posèrent sur le réveil. La pièce était plongée dans l’obscurité et elle se lamenta intérieurement de n’avoir dormi que quelques heures, comme à l’accoutumée.
Prenant son téléphone, elle relut ce message qu’elle avait reçu la veille de celui qu’elle considérait comme un cadeau de la Vie.
Il lui expliquait qu’il ne savait pas pourquoi ils s’entêtaient ensemble, qu’ils avaient deux visions différentes d’appréhender la vie et qu’elles ne se rejoignaient pas parce qu’il n’y avait pas de compromis.
Les larmes aux yeux, elle caressait tendrement son image du regard.
Il se laissait emporter par le jugement et l’intolérance, donnant ainsi la victoire à l’Ego.
Pourquoi ne l’acceptait-il pas telle qu’elle était ?
« C’est le propre de l’amour véritable, laisser une personne être ce qu’elle est vraiment. »
– Jim Morrison
En cherchant à comprendre qui elle était, elle l’avait compris lui. Compris ses blessures, son mal-être, les raisons de son comportement qui, parfois, l’avait insupporté.
Ils étaient différents, certes. Mais il lui faisait découvrir de nouveaux horizons.
Leurs différences étaient un enrichissement.
Passionné par le théâtre, elle adorait le voir apprendre ses textes et lui donner la réplique.
Elle adorait l’écouter exprimer son mal-être et sa souffrance en musique.
Elle avait compris que le fait de rester en retrait ou ses sautes d’humeur étaient dus à son hypersensibilité et une immense fatigue.
Elle avait compris qu’il évitait les fêtes et l’alcool parce qu’ils provoquaient chez lui de violents acouphènes.
Elle avait compris que les gens l’insupportaient parce qu’ayant connu le divin, il vivait un refus d’incarnation.
Étant très sociable, elle adorait voir du monde.
Nombreux se demandaient pourquoi elle poursuivait sa route aux côtés de cet homme si différent.
Elle, le savait. Il y avait un lien inexplicable entre eux. Une complicité. Une évidence. Beaucoup de rires. Mais aussi beaucoup de larmes et des projets réduits à néant, à force d’incompréhension.
Elle l’aimait profondément. Dans sa totalité. Elle embrassait ses défauts, qu’elle percevait comme une fragilité et le rendaient encore plus attirant.
A ses yeux, il était un oiseau blessé essayant de se frayer un chemin dans ce monde chaotique qu’il n’appréciait pas.
Epuisé par ses responsabilités, elle était pour lui, le repos du guerrier.
Caressant tendrement sa photo du regard, des larmes roulaient sur ses joues.
Elle avait essayé de rester en retrait comme lui, de se conformer à ses habitudes de vie. Mais une partie d’elle-même disparaissait. Elle s’éteignait et mourrait lentement. Elle ne pouvait être qu’elle-même pour maintenir cette lumière qui l’animait. C’était son équilibre.
Elle ne pouvait se résoudre à lâcher cette main qu’elle avait si longtemps tenue pour pouvoir rester elle-même.
Au plus profond de son Être, elle savait qu’accepter ce qui peut nous déranger est une grande preuve d’amour. Un respect de l’individualité et de la singularité de chacun. Une source de paix.
Reposant son téléphone, elle ferma les yeux, priant pour qu’il lui témoigne un amour inconditionnel et qu’ainsi, main dans la main, ils poursuivent, ensemble, un chemin paisible parsemé de rêves et d’espoirs.
« La voie est ouverte à l’enseignement du premier et plus difficile devoir de l’homme ou de la femme, celui d’accepter sa différence, source de tous les conflits et de toutes les guerres. Le dialogue n’est possible que dans l’acceptation première des différences de l’Autre. Je ne peux connaître l’Autre et dialoguer avec lui que dans la mesure où je connais et j’accepte sa différence, celle de sa personne, de la couleur de sa peau, de sa race, de sa langue, de sa culture, de sa religion, de son caractère. »
– André Chouraqui