« Un jour mon prince viendra, un jour il me dira, des mots d’amour si troublants, si… » Nous avons toutes et tous entendu cette chanson ou une qui lui ressemble, qui nous promet qu’un être formidable va venir illuminer notre vie et nous aimer pour toujours. Et pourtant, cela ne semble pas vraiment fonctionner comme chez Disney. Monique de Kermadec, psychologue clinicienne vient de sortir « Le surdoué et l’amour » chez Albin Michel (je vous le recommande). Prenons le temps de voir ce que c’est que « AIMER » au sens large quand on est atypique et hypersensible.
Dans sa définition la plus basique, aimer signifie éprouver de l’affection, de l’amitié, de l’amour, de la passion pour quelqu’un. L’affection est un sentiment d’attachement. J’ai demandé à mes clients atypiques (dys, hp, tsa, tdah) ce que voulait dire « aimer » pour eux. Les réponses ont été les suivantes : « aime c’est s’inquiéter », « aimer c’est exister », « aimer c’est tout donner à l’autre, « aimer c’est souffrir », etc.
Scientifiquement, aimer, être en situation amoureuse, provoque une baisse de vigilance dans le traitement des informations, tant sur le jugement des émotions que des intentions de l’autre. C’est en cela que l’amour rend effectivement aveugle ! Notre discernement est perturbé. Puis c’est l’explosion chimique hormonale qui provoque un shoot qui fait du bien. Ce qui fait que l’on en veut encore. Pour dépasser le stade de la nouveauté, il convient de s’inscrire dans un projet afin que l’attachement se fasse naturellement.
Les neuro-atypiques vont vivre ceci dans les extrêmes : soit ils sont dans un hyper-affect, mode passion ultime, soit ils sont dans une distanciation et un pragmatisme à faire déprimer les plus fervents défendeurs du coup de foudre et des papillons dans le ventre. Les hypersensibles auront tendance à être dans le camp des hyper-affectifs. Il y a aussi le côté « vive la tragédie » qui renforce la notion d’intensité, de destin, de « pour toujours », etc. L’ascenseur émotionnel est mis à rude épreuve, entre le contrôle voulu absolu et les émotions qui débordent.
Toute relation avec autrui est une histoire de codes.
Aimer et être aimé quand on n’a pas les codes et qu’on en a d’autres n’est pas une mince affaire. Chacun est convaincu que l’autre pense comme lui, ressent comme lui. L’amour est en forte résonnance avec les blessures d’enfant, les blessures de rejet, d’abandon et de trahison. Il y a ce que l’on a vécu avec nos proches et la fameuse culture dans laquelle nous grandissons avec des mensonges qui font mal pour la plupart des atypiques et hypersensibles.
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Dans les catégories « j’ai cru en toi et ça fait mal de savoir que tu n’es pas réel » ou « j’avais confiance en l’adulte qui me disait que tu existais, comment continuer à lui faire confiance ? » j’ai nommé le Père Noël, la petite souris, les cloches de Pâques, les choux et les roses pour les bébés voire la Cigogne…et bien sûr les Disney, les romances de Noël et autres fictions sur le grand amour ! Une des racines de la confiance est bien là…dans cette histoire de Père Noël !
Je reçois de nombreux messages me disant à quel point la révélation a été mal vécue, blessant soit la confiance, soit l’intelligence, soit le cœur de l’enfant. Ce n’est pas logique. Comment aimer dans un monde où les codes sont la tromperie et le mensonge ? Comment participer à cette grande mascarade où le poids des standards fictifs guident notre réalité ?
Être amis, être amoureux, aimer sa famille, son chat.
Avoir un intellect plus développer que la moyenne est également un frein à la bonne entente sociale. La comparaison naturelle entre les individus entraine de fait des jalousies, de la mésestime de soi. Les critiques et stigmatisations sont monnaie courante, dans un sens comme dans l’autre. Etre trop intelligent dérange et exclu, ne pas l’être ou être « bizarre » également.
📌 Vidéo à voir : Se libérer de la dépendance affective quand on est hypersensible et atypique
Dernière étape dans la relation d’amour et d’affect à l’autre, lui montrer qu’on l’aime.
C’est ici que l’on reconnaît les hypersensibles et atypiques à 100 000 mètres, quel que soit leur âge ! Là aussi deux extrêmes…soit on ne perçoit aucun signe d’affection venant de leur (d’autant plus s’ils ont été trahis et qu’ils ont souffert), soit ils sont dans un excès épuisant, même pour le plus brave d’entre vous ! Toute en maladresse, la quantité reflète la peur du rejet.
Plus la peur est grande, plus les démonstrations et manifestations d’affection (et de demande en retour) sont importantes. « trop direct », « trop envahissant », « trop d’attentes », « grande et profonde impatience », « mise en danger » (ils peuvent tout donner en s’oubliant totalement, notamment en matière d’argent), « manque de confiance en soi donc pouvoir dévolu à l’autre ». Ces excès peuvent entrainer les effets inverses de ce qui est recherché : éloignement, colère, violence, rejet. Combien de fois ai-je entendu (et vécu) le fameux « j’ai tout fait pour toi, j’ai tout sacrifié pour toi ». Certes, mais l’autre n’avait rien demandé. Et donner ce qui n’est pas demandé, donner pour retenir et aliéner, pour rendre dépendant, cela ne fonctionne pas.
C’est le même schéma dans de nombreuses amitiés qui deviennent elles aussi toxiques et débouchent sur du harcèlement. Soyons conscient que l’enfant atypique et hypersensible, trop souvent victime de son incompréhension du monde affectif peut devenir le bourreau.
Le manque d’estime de soi mène à la dépendance affective. Voici quelques signes qui peuvent vous alerter :
- Incapacité à être heureux seul
- Besoin de plaire à tout prix – logique du caméléon
- Renier ses goûts pour adopter ceux de l’autre / des autres – faux-self
- Accepter l’inacceptable
- Penser ne rien valoir sans l’autre
- Vouloir être en couple avec systématiquement des personnes non disponibles
- Déprimer après une rupture
- Avoir peur d’être trahi
- Générer le conflit
- Et recommencer ce cycle…
Tout ceci peut changer et en avoir conscience est le premier pas.
C’est pourquoi il est également important d’être attentif à ce que vivent les enfants atypiques et leur apprendre que la vie est merveilleuse et que grandir parfois ça fait mal. Leur apprendre surtout qu’on ne décide pas pour l’autre. Qu’on ne se soumet pas, on ne s’oublie pas pour l’autre. Valoriser son identité et son unicité afin qu’il soit capable de les reconnaître chez autrui est un excellent moyen de limiter la dépendance possible. Il y aura toujours des déconvenues, des déceptions, des chagrins… c’est la vie !
Aimer et etre aimé quand on est atypique et hypersensible, c’est aussi trouver l’équilibre et le mode d’emploi entre les ressentis émotionnels inexplicables, faire avec notre humour inqualifiable, dompter l’ennui, gérer l’analyse de tout dans les moindres détails, la difficulté de faire des choix, avoir un très haut degré d’exigences et de perfectionnisme.
Comment comprendre que l’on nous aime, quand on est atypique et hypersensible ?
Oser faire confiance à son intuition. Plus on apprend tôt à savoir ce que l’on aime ou pas, ce qui nous fait du bien ou pas, plus on sait écouter sa petite voix intérieure !
Je parlais de codes plus haut…quand on a conscience de ne pas partager les mêmes codes que les autres, il est aidant de dire les choses, de dire sa façon de fonctionner et de demander à l’aitre ce qu’il est. Cela semble moins glamour certes que de se faire rouler une boulette de viande avec sa truffe vers l’autre, mais tellement plus confortable !
Toutes les souffrances en amour viennent de la projection, de l’interprétation et de l’incompréhension. Dire comment on fonctionne fait des miracles. Là aussi, plus les enfants sont éduqués tôt à parler de qui ils sont, de comment ils fonctionnent, plus on leur explique le fonctionnement des autres, plus ils trouveront leur équilibre en famille, en amitié et en amour. L’implicite, le sous-entendu est un cauchemar.
On décrit souvent les neuro-atypiques comme naïfs. Fonctionnant par ressentis ou par compréhension de règles du jeu QUI DOIVENT ETRE IMMUABLES, le décalage entre neuro-atypiques et neuro-typiques est réel.
Alors on parle, on explique, même si c’est en dessin, en musique ou dans un murmure.
Dans l’enfance, les expériences vécues apprennent à faire le tri entre ce qui nous fait du bien et ce qui nous fait souffrir, ce qui nous nourrit et ce qui ne nous sert absolument à rien. La confiance en soi et l’estime de soi se construisent au fur et à mesure. Pas à pas. J’invite les parents à être à dans la communication à propos « des choses du cœur », à partager leurs réalités, à écouter les chagrins, à offrir à votre enfant toute sa place en famille, et lui faire prendre conscience qu’il peut faire de même avec ses amis et quand il est amoureux.
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Si vous avez quitté l’enfance et l’adolescence, je vous invite à vous regarder avec tendresse et à trouver votre propre définition positive de l’amour, à choisir consciemment ce que vous voulez vivre, à vous aimer fort fort fort pour que chaque geste d’affection partagé, reçu, donné soit des cerises sur le gâteau qui subliment qui vous êtes déjà !
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Claire Stride
Consultante en neurodiversité