Ma vie unique d’atypique : Interview avec Julien, un hypersensible heureux de l’être !

Ma vie unique d’atypique : Interview avec Julien, un hypersensible heureux de l’être !

Nous sommes près de 25% de la population à être atypiques et hypersensibles. Parmi nous, certains doutent, souffrent, cherchent encore à être « normaux » alors que d’autres ont compris que leur différence était leur plus grande richesse et composent avec au quotidien.

C’est pourquoi j’ai eu envie de faire une série d’interviews de celles et ceux qui font de leur mieux pour vivre leur hypersensibilité, leur atypicité (ou atypisme je ne sais jamais comment on dit) du mieux possible. Certaines sont en vidéos sur ma chaîne YouTube « Pleinement Moi« , d’autres, comme ici, prennent la forme d’un article.

Julien a 45 ans et vit dans le Sud de la France. Il est dirigeant d’une entreprise dans le conseil aux entreprises d’une trentaine de salariés. Il a deux enfants. J’arrête ici sa présentation digne d’un profil de site de rencontres pour rentrer dans le vif du sujet : Julien est atypique et hypersensible !

Question 1 : Julien peux-tu nous raconter ton parcours dans la découverte de ta différence ?

J’ai commencé par sauter une classe. J’étais toujours avec des enfants plus âgés. Je passais mon temps avec « les grands ». Je sentais bien que j’étais différent, notamment quand il s’agissait des sports collectifs. Je n’y voyais aucun intérêt. Je me sentais également incompris sans vraiment savoir pourquoi. Je fais des liens maintenant avec le recul, parce que j’ai compris mon fonctionnement, mais avant, ce n’était pas évident. Je parlais vite, trop vite. C’était comme si je voulais tout dire le plus rapidement possible, sortir tout ce qu’il y avait dans ma tête en un temps record.

J’ai avancé comme cela, sans savoir. J’ai su il y a peu en fait que j’étais hypersensible et haut potentiel. Ce sont plusieurs professionnels dont toi qui ont prononcé les fameux mots de la neuro-atypicité. Je savais déjà que je faisais des choses que les autres n’arrivaient pas à faire, comme apprendre un cours 1 heure avant un partiel ! J’ai constaté aussi que je n’avais pas la même notion du « complexe ». Même si j’adore réfléchir, je n’avais pas du tout envie de faire d’effort car tout est censé être simple. C’est ce qui fait que je procrastinais…et que je le fais encore !

Je peux dire que j’ai eu beaucoup de chance car je ne me suis jamais senti anormal. J’étais différent, pas anormal comme je peux l’entendre ou le lire pour d’autres profils atypiques.

J’ai pris conscience également de mon hypersensibilité car mes sens étaient exacerbés et cacher mes émotions était délicat.

Je n’ai pas passé de test quand j’étais enfant. Ma mère s’y est opposé. Elle ne souhaitait pas que je sois catalogué. Plus tard, je n’ai pas ressenti le besoin de le faire. Je n’avais pas envie de rentrer dans une case ni de me définir par des courbes sur un graphique. Il y avait suffisamment d’indices pour que je comprenne. Je sais que je suis différent, je n’ai pas besoin de le mettre en avant ni que cela soit mesuré.

Question 2 : Peux-tu nous partager un moment fort dans ton vécu d’atypique ?

C’est en lien avec mon fils.

Je le comprends alors que les autres le jugent, le condamnent, l’accablent. Même s’il a des difficultés, au fond de moi j’ai cette conviction forte et inébranlable qu’il s’en sortira quoi qu’il arrive. On le voit comme insolent ou en échec. Ce genre de comportement a le don de me faire bouillir et si je laissais ma part d’ombre surgir, je serai capable de « défoncer la gueule de tous ceux qui ne se remettent pas en question pour qu’ils arrêtent de s’en prendre à mon fils ! » Je ressens forcément de la colère, de l’impatience, de l’injustice et de l’impuissance dans ces moments-là. Je suis en colère face à tous ces « y’a qu’à / faut qu’on », toutes ses personnes dont le métier est d’aider mon fils à se construire et à apprendre et qui ne font pas le choix d’être dans la capacité de l’aider.

Quand on considère un enfant comme un problème, la seule réponse est une solution. Nous parlons de relations humaines, pas d’ingénierie. Mon fils n’est pas un problème. Il n’y a donc pas besoin de solution mais d’adaptation !

Oui, la relation à mon fils est source de moments intenses !

Question 3 : de quoi es-tu fier ?

De mes deux enfants extraordinaires. Ils sont deux êtres uniques, affirmés et équilibrés et c’est exceptionnel.

Je suis fier aussi de mon entreprise. Faire durer une entreprise pendant plus de 15 années malgré les difficultés, être présent, innovant, inventif, conciliant, être capable d’embarquer les gens dans cette formidable aventure et voir qu’ils ont envie de rester, c’est une grande fierté !

La notion de fierté est un vrai sujet. Je ne suis pas particulièrement fier de mes idées et pourtant j’en ai des soit-disant géniales toutes les 5 minutes ! Entre l’étui pour manger son sandwich proprement ou le scanner à pieds pour commander la bonne paire de chaussures sur internet, mon esprit foisonne de solutions qui amélioreraient le monde…d’abord le mien. Mais je n’en suis pas fier, car toutes ces idées de ne me demandent aucun effort…et j’ai grandi dans un monde où ce qui ne coûte pas d’effort n’a pas de valeur. Une idée c’est juste une idée. Tant qu’elle n’est pas concrétisée, elle ne sert à rien. Voilà pourquoi je ne suis pas fier de mes super idées.

Question 4 : en tant que personne hypersensible et atypique, qu’est-ce qui a été difficile ?

Ne pas être compris.

Dans ma tête tout est clair, évident, fluide.

Et souvent je me suis retrouvé à devoir expliquer encore et encore à ceux qui m’écoutaient, y compris dans les groupes de travail. J’ai longtemps pensé que les autres faisait semblant de ne pas comprendre, ce n’était pas possible autrement…ou alors ils étaient sacrément cons ou de mauvaise fois !

Il fallait que j’explique tout le cheminement de ma pensée, de mon raisonnement pour expliquer comment j’arrivais à cette conclusion, à proposer telle ou telle solution. Cela est extrêmement coûteux pour moi car j’ai l’impression de perdre mon temps. J’ai mis du temps à y arriver.

Aujourd’hui j’ai compris que cela permettait de faire avancer le collectif et je suis en phase avec ça. C’est un des nombreux paradoxes que je vis dans ma relation à l’humain. Ce qui guide mes priorités, mes actions, c’est que les gens soient bien.

Une autre difficulté : j’ai longtemps pensé que j’étais flemmard. Je développais de nombreuses stratégies pour faire les choses le moins compliqué possible. J’étais déjà dans l’efficience…je ne sais pas faire autrement !

Il a également été difficile d’être salarié. Travailler avec un dirigeant qui ne pense pas comme moi, qui ne partage pas ma vision était impensable. C’est pour cela que je suis devenu dirigeant. Je n’attends pas que mes salariés pensent tous comme moi. Le « contre-pouvoir » est important aussi.

Ma force aujourd’hui c’est que je n’ai pas l’impression de m’être trompé, je vis de riches expériences !

Question 5 : quels conseils donnerais-tu aux personnes hypersensibles et atypiques afin qu’elles vivent bien leur différence ?

Ayez confiance en vous !

J’ai eu la chance d’avoir reçu une éducation dans laquelle j’ai été encouragé, soutenu par des personnes bienveillantes, notamment mes parents. Je n’ai jamais eu besoin de prouver qui j’étais et je peux désormais accepter d’être « pleinement moi ».

Un message pour vous, parents : acceptez votre enfant tel qu’il est ! Ne mettez pas le focus sur ce qui le rend différent. Ce n’est pas un problème auquel il convient de trouver une solution. Essayez de comprendre ce qu’il vit, donnez-lui des repères et privilégiez les approches ludiques plutôt que la confrontation et l’autorité. Montrez-lui que vous l’aimez. Je suis un père. Je suis le repère. J’adopte une posture rassurante même quand mon fils fait des conneries. Je suis là, je suis stable et c’est ce qui compte.

Merci à Julien pour ce témoigne authentique !
Si vous aussi vous voulez témoigner, contactez-moi à clairestridepleinementmoi@gmail.com

Retrouvez les autres interviews sur ma chaîne YouTube Pleinement Moi.