Le mensonge est présent dans de nombreuses relations humaines. De la simple omission à l’affabulation, il peut être plus ou moins impactant et c’est la raison pour laquelle il est un ressort dramatique fréquent dans les livres ou les séries. Si nous avons tous la capacité de mentir, nous ne le faisons pas forcément pour les mêmes raisons. Conditionnement culturel ou familial, peur de blesser ou de décevoir, appât du gain ou du profit, ce qui fait la gravité du mensonge est moins lié à ce qui est dissimulé qu’aux personnes qui en sont victimes.
Mais alors comment régir face au mensonge lorsqu’il est cause de souffrance ? Que faire avec un enfant qui ment ? Comment détecter le mensonge chez l’adulte ? Comment confondre son interlocuteur ? Et comment se positionner face au menteur impénitent ? Cet article vous donnera des réponses à toutes ces questions. Croix de bois, croix de fer. Si je mens…
Le mensonge : une stratégie héritée de l’enfance
La stratégie du mensonge est un apprentissage que l’on fait très tôt. A partir de deux ans et jusqu’à 5 ou 6 ans, un enfant qui ment n’a pas conscience des notions de bien ou de mal. Pas plus qu’il ne distingue le réel de l’imaginaire. Il peut mentir par jeu et parfois sans vraiment s’en rendre compte. Au delà de 6 ans, un enfant qui ment encore de manière régulière le fait probablement à dessein. Le mensonge fait partie intégrante du développement de l’enfant. Si ce n’est pas un comportement qu’il faut encourager, il n’en est pas pathologique pour autant.
Pourquoi l’enfant ment-il ?
L’enfant peut mentir pour au moins trois raisons :
Il peut par le mensonge chercher à éviter des sanctions, punitions, réprimandes, menaces…
L’enfant peut également distordre la réalité pour la rendre ou se rendre plus intéressant, pour jouer ou pour attirer l’attention.
Enfin, plus rarement, il peut mentir de manière agressive, dans le but de nuire, par souci de vengeance par exemple
Ne pas banaliser ni diaboliser le mensonge
Pour le propre bien de l’enfant, mieux vaut éviter de banaliser ses mensonges récurrents. En le laissant faire, on prend le risque de le voir en faire un mode de communication privilégié. A contrario, en diabolisant le mensonge et en blâmant votre enfant, vous prenez le risque de renforcer son attitude et d’affaiblir son niveau de confiance en lui. Il s’agit de ne pas le blâmer pour le mensonge mais également pour les comportements qu’il a cherché à cacher. S’il se sent en confiance, aimé de manière inconditionnelle pour ce qu’il est (non pour ce qu’il fait) il sera moins enclin à dissimuler la vérité.
Rappelez à votre enfant qu’il est “ok”, y compris dans ses erreurs. Vous renforcerez le rapport de confiance. Un enfant qui renverse et casse un verre par accident prendra davantage confiance en ses capacités si on lui apprend calmement à nettoyer, réparer et trouver une solution, plutôt que si on le blâme et le punit en l’étiquetant de “maladroit”. Par ailleurs, on l’incite d’autant plus à dire la vérité que ses erreurs sont admises.
Discutez avec votre enfant afin d’essayer de comprendre ses motivations à mentir. S’il cherche à éviter la sanction ou la pression, on vient de le voir, vous pouvez corriger le tir. S’il cherche à magnifier l’ordinaire, à enjoliver certains récits, aidez-le à faire la part des choses entre ses souhaits et la réalité. Vous pouvez lui indiquer que ses rêves sont chouettes et l’encourager à développer son imagination dans des activités dédiées. Si vous pressentez que votre enfant cherche à attirer votre attention par le mensonge, accordez-vous du temps de qualité avec lui. Et dans tous les cas, profitez de chaque occasion pour lui rappeler vos valeurs.
Rappeler ses valeurs face au mensonge
La confiance est la valeur la plus mise à mal dans le mensonge. Expliquez à votre enfant pourquoi le besoin de confiance est important pour vous. Vous pouvez même lui dire ce qu’il pourrait advenir si la confiance n’existait plus dans votre relation. Repartir de vous et de votre besoin est un bon moyen pour éviter le blâme et le reproche. Attention il ne s’agit pas ici de créer un chantage. Il s’agit de mettre en avant l’évolution de la relation et ce qui vous touche là-dedans. Pas de dire à l’enfant que s’il continue, il sera privé de dessert. Vous recréeriez sinon des conditions de pression délétères pour sa propre confiance.
Et être exemplaire
Le mensonge de l’enfant nous amène à questionner nos propres comportements. Notre manière de blâmer ou d’accueillir l’erreur, nous l’avons vu, mais également notre propre rapport à la réalité. Si nous mentons à l’enfant par souci de simplicité et de confort, nous lui donnons une sorte de caution pour faire de même. Il peut sembler tentant parfois d’émettre un petit mensonge pour obtenir ce qu’on veut de son enfant. Qui n’a jamais été tenté de dire qu’il n’y a plus de gâteaux, tout en les cachant derrière des boîtes de conserve ?
Nous savons pourtant que la compréhension de l’enfant sera renforcée si on prend le temps de lui expliquer que ce n’est pas l’heure, parce qu’on craint qu’il n’ait plus faim au moment de passer à table et que ce n’est pas bon pour sa santé. C’est un travail pour l’avenir. Evidemment, cela prend du temps et de l’énergie. C’est le rôle de parent. Mais aucun de nous n’est parfait. Qui n’a jamais dit à un ami au téléphone qu’il ne pouvait pas le voir alors qu’il n’en avait simplement pas envie ? Les enfants ont des oreilles et captent beaucoup plus de choses qu’on ne l’imagine. Soyez attentif à votre propre authenticité. Vous avez le droit d’avoir envie d’être seul et de rester tranquillement chez vous, et de le dire.
Souvenez-vous du premier des 4 accords toltèques : “que votre parole soit impeccable”. Je vous invite à lire ou à relire le bouquin de Don Miguel Ruiz, les 4 accords toltèques. Vous pouvez également transmettre ces connaissances à votre enfant. Faites-en quelque chose de ludique et d’intéressant pour lui.
Au delà de l’enfance hélas, beaucoup d’adultes continuent à mentir. Que faire face aux mensonges de l’autre adulte ?
Le mensonge est-il vrai ?
Drôle de formulation, je vous le concède. Mais qui a son importance. S’agit-il d’un vrai mensonge ou d’une suspicion de mensonge ? Le mensonge est-il avéré ou avez-vous simplement des doutes quant à la parole ou aux actes de l’autre ? La nuance est capitale. Car dans le cas ou le mensonge n’est pas flagrant, vous allez devoir apprendre à mettre de côté vos lectures de pensée sans pour autant nier votre intuition.
La lecture de pensée n’est pas un détecteur de mensonge
Il n’existe aucune Vérité universelle. Il y a autant de vérités que de personnes pour les partager. La réalité ne nous est pas directement accessible. En effet, ce que nous percevons du monde est filtré par nos sens, mais aussi par nos valeurs et nos croyances. Nous ne pouvons que nous forger ce qu’on appelle notre représentation du monde. Chacun a une représentation du monde unique et chacun possède son propre dictionnaire personnel de ce que représentent les mots abstraits. La lecture de pensée consiste à essayer de deviner, voire à se convaincre de ce qui se passe dans la tête de l’autre.
C’est une interprétation plus ou moins fine d’un comportement, d’un geste, d’un propos, d’un silence mais qui le plus souvent tombe à côté de la plaque car empreinte de jugements personnels. La plupart du temps, ces interprétations nous mettent au centre des pensées de l’autre et de ses motivations. Comme si tous ses actes étaient dictés par une volonté de nous faire le centre de son monde. C’est illusoire et la seule personne qui nous place au centre de ses pensées, c’est nous-même.
Quelques exemples de lectures de pensée
FAIT : “Il n’a pas répondu à mon SMS”.
LECTURES DE PENSEE : “Il ne pense pas à moi”. “Il ne m’aime pas”. “J’ai dit quelque chose qu’il n’a pas apprécié”. “Il ne veut plus me parler”. “Sans doute est-il fâché”. “Il prend son temps pour me répondre parce qu’il s’imagine que je vais le relancer pour lui courir après”, etc.
FAIT : “C’est la deuxième fois cette semaine qu’elle a un rendez-vous professionnel qui s’éternise le soir”.
LECTURES DE PENSEE : “Elle était avec quelqu’un d’autre”. “C’est sûr, elle cherche à m’éviter”, “Elle veut me faire payer quelque chose”. “Elle sait que je m’inquiète et elle cherche à me faire du mal”, etc.
On pourrait multiplier les exemples à l’infini. Vous avez compris le principe. Le lecture de pensée consiste à faire comme si on pouvait se glisser dans les pensée de l’autre et deviner ce qu’il pense ou ce qu’il a vécu.
Les risques de la lecture de pensée
La lecture de pensée consiste à essayer de comprendre les faits et gestes de l’autre comme si on était dans sa tête. C’est un véritable poison pour la relation car ce mode de fonctionnement nous laisse penser qu’on peut se dispenser de poser des questions à l’autre pour connaître SA vérité. En réalité avec la lecture de pensée, on s’enferme dans un sentiment de doute, de suspicion qui plaque notre vision du monde sur l’autre et qui nous empêche d’être réellement en lien avec l’autre. C’est un bon moyen d’accumuler du ressentiment vis à vis de l’autre pour exploser un jour d’une manière totalement inopportune et déconnectée du moment présent. Et cela est d’autant plus vrai si on ne partage pas nos ressentis et si on ne confronte pas notre vision des choses à la réalité de notre interlocuteur.
Avec la lecture de pensée, une simple omission peut être interprétée comme un méchant mensonge et une motivation plutôt altruiste peut se transformer en dangereuse manipulation. Soyez vigilant à ne pas vous enfermer dans des croyances erronées. Si vous avez tendance à faire des lectures de pensée, apprenez à distinguer les faits de vos jugements et de vos interprétations. Outre votre relation, les lectures de pensée ne peuvent vous conduire qu’à ruminer du négatif, alimenter des doutes, y compris sur vous-même, entretenir la peur du jugement de l’autre, altérer votre confiance en vous. Bref, ça n’a pas beaucoup d’avantages.
Ce qu’en pensent les autres n’est pas la réalité non plus
Comme je l’ai dit plus haut, il n’y a pas de Vérité, il n’y a que des points de vue intéressants. Si votre propre avis peut se laisser polluer par des lectures de pensées ou des équivalences complexes (un événement traduisant une croyance personnelle : l’autre sourit = il est sympa). Celui des autres n’est guère plus immunisé contre les virus de l’esprit. Le doute va peut être vous amener à chercher des réponses ailleurs. Le réconfort d’une discussion avec des amis ou de la famille est incomparable. Et il est important de conserver ou de renouer les liens que vous entreteniez avant le début de la relation que vous entretenez avec la personne que vous soupçonnez de mentir, surtout si vous avez à faire à un vrai manipulateur.
Cependant, les autres ne sont pas dans votre relation et c’est votre autonomie qui sera votre meilleure alliée. Demander conseil, oui. Mais ne forger votre avis que sur celui des autres en revanche vous coupe de votre autonomie. Si vous n’avez pas le pouvoir d’estimer votre propre situation, vous n’aurez probablement pas non plus le pouvoir de prendre des décisions importantes pour vous. Ce point est un indicateur important pour décider de vous faire aider de manière plus neutre et professionnelle. Cela est d’autant plus vrai si vous ne trouvez pas de bienveillance dans les relations avec vos proches et si vous vous sentez la cible de leurs jugements. Mais avant cela, vous pouvez déjà vous auto-questionner.
Comment est-ce que je sais ce que je sais ?
Ou comment est-ce que l’autre sait ce qu’il sait ? C’est la meilleure question à se poser pour déceler une lecture de pensée. Si la réponse est une phrase du genre “Je le sais, c’est tout”, “Je le sens”, “Ça s’est déjà produit”, “C’est la seule explication possible”, alors c’est que vous êtes probablement assez éloigné des faits. Passez en revue les informations réellement factuelles dont vous disposez et demandez-vous si une autre personne que vous (mettez-vous à la place de quelqu’un d’autre) arriverait à la même conclusion avec ces éléments. N’ayez pas peur d’avoir la même démarche critique vis à vis d’autres personnes.
Il est possible que vous érigiez vos doutes en quasi certitudes tellement vous leur accordez d’importance. Gardez bien à l’esprit une chose : vos hypothèses ne sont pas la vérité. Et les retourner sans cesse dans votre esprit ne vous aidera pas à y accéder. Cela entretient juste une illusion de contrôle. Acceptez de ne pas savoir, de manquer d’informations. Et accueillez davantage vos émotions au lieu de les fuir en cherchant des réponses à tout prix dans votre esprit et dans votre solitude. Plutôt que de rester dans votre tête il serait préférable d’apprendre à développer vos compétences relationnelles. Mais j’y reviendrai un peu plus loin. Comme j’ai évoqué plus haut les accords toltèques, je m’y réfère une fois encore avec le troisième accord pour conclure cette partie : “ne faites aucune supposition”.
Comment détecter les mensonges ?
Je vous ferai grâce des sempiternelles clés d’accès oculaires de la PNL. Observer le mouvement des yeux n’est pas un exercice facile en soi, il faut avoir pris le temps de calibrer la personne avant, c’est à dire de connaître son mode de fonctionnement habituel. Personnellement, ces indications me sont parfois précieuses lorsque j’accompagne une personne pour savoir si elle est davantage dans ses pensées que dans son ressenti par exemple. A part quelques show-men qui ne font que cela, bien malin qui pourrait, hors contexte, déceler un mensonge avec cet outil. Il n’y a pas de baguette magique donc mais voici néanmoins quelques pistes.
Écoutez votre intuition
Je disais juste un peu plus haut que vos ressentis ne sont pas suffisants pour qualifier les propos de votre interlocuteur de mensonge. Mais ça ne veut pas dire qu’il faut les négliger pour autant. Si vous vivez avec la personne que vous soupçonnez de mentir, vous l’avez déjà “calibrée”, au moins de manière inconsciente. C’est à dire que vous êtes peut-être à même de détecter ce qu’on appelle sa congruence.
La congruence est l’alignement entre nos paroles et nos actes. Mais c’est aussi l’accord entre le langage verbal et le langage du corps, entre ce que nous disons et ce que nous ressentons. Je vous donne un exemple : lorsque vous lui demandez comment elle va, votre collègue de travail vous répond “Oui, ça va”, avec un petit sourire forcé qui s’efface très rapidement pour montrer un visage tendu et inquiet. C’est un manque de congruence. Vous savez en votre fort intérieur qu’elle ne va pas très bien. Même si vous ne pouvez pas dire sur quoi porte son malaise.
Notre cerveau enregistre des informations à notre insu. Des micro-comportements tels que des changements de coloration de la peau, de dilatation des pupilles, d’intonation de la voix, peuvent alimenter votre intuition sans que vous le sachiez. Ecouter cette “petite voix” ne signifie pas la croire sur parole. Il s’agit juste d’enregistrer les informations émotionnelles que vous recevez, de les prendre en compte. Face à votre intuition, votre esprit sera face à deux écueils.
L’autre écueil de la pensée : la rationalisation
Tout d’abord, la lecture de pensée que j’ai décrite plus haut. Votre cerveau pourra échafauder des théories toutes plus intéressantes les unes que les autres mais toutes aussi vaines qu’énergivores. Ou bien, et c’est le deuxième écueil de la pensée, il pourra chercher à rationaliser. Ce qui reviendrait à balayer littéralement le ressenti avec une pensée du genre “Je me fais des idées”, “C’est encore mon esprit qui me joue des tours”, “Je ne devrais pas penser cela”, etc. Tout ceci sur un fond de culpabilité, voire de honte. Tout ce que vous ressentez est juste. Je ne veux pas dire par là que vous avez un détecteur de mensonge intégré mais que votre émotion vous donne une indication sur votre propre vérité personnelle.
La rationalisation peut-être tellement forte qu’elle peut vous faire occulter vos propres ressentis mais aussi ceux des autres. Je disais plus haut que les autres ne détiennent aucune vérité et qu’ils pouvaient aussi être victimes de leurs lectures de pensées. Mais cela ne signifie pas que leurs intuitions soient fausses pour autant. Enregistrez les informations émotionnelles comme telles, qu’elles proviennent de vous ou des autres. Et gardez la tête froide. Il ne faut pas confondre le signal d’alarme avec la caméra de surveillance. Le signal de l’intuition est là pour vous alerter d’une dissonance. Il vous dit que quelque chose d’anormal est en train de se passer. Il est nécessaire mais non suffisant. Car il ne constitue pas une preuve en soi. Mais ce n’est pas une raison pour se boucher les oreilles en hurlant du Céline Dion !
Questionnez le mensonge
Vous pouvez questionner le mensonge, ne vous en privez pas. Car la seule et unique réponse valable sortira de la bouche de votre interlocuteur. Posez essentiellement des questions ouvertes, c’est à dire des questions auxquelles on ne peut pas répondre par oui. Les fameuses CQQCOQP (Comment, Qui, Quel/Qu’est-ce que, Combien, Où, Quand, Pourquoi) servent à recueillir des informations plus détaillées qu’un simple acquiescement. Requestionnez l’histoire comme si vous souhaitiez en faire le documentaire mais avec finesse.
Autrement dit, ne donnez pas l’impression à votre interlocuteur que vous voulez le passer à la moulinette. Vous pouvez choisir de revenir plus tard sur le sujet et de questionner sous un nouvel angle. En revenant sur le récit quelques heures ou quelques jours plus tard, et en vous concentrant sur des détails, vous augmentez les chances de confusion et d’erreur.
Vous pouvez aussi questionner l’histoire par la fin et remonter le temps. La logique du menteur est mise à rude épreuve lorsqu’il doit à la fois se concentrer sur son mensonge et sur la cohérence de son récit. Lorsqu’on a vécu un événement, on peut facilement en raconter l’histoire dans les deux sens. C’est beaucoup plus difficile lorsqu’on a inventé le fil des événements. Encore une fois, au delà des mots, soyez attentif au langage du corps. Vous verrez peut-être votre interlocuteur vous fixer dans les yeux plus intensément que de raison, ou bien bafouiller ou encore botter en touche. C’est votre intelligence émotionnelle, relationnelle, qui fera la différence. C’est à dire votre capacité à accueillir, comprendre et maîtriser vos propres émotions mais aussi à identifier celles de l’autre, par empathie. Cette compétence se développe par une connaissance accrue de soi-même.
Si vous avez déjà des éléments de réponse
Si vous savez déjà des choses. N’abattez pas vos cartes tout de suite. Idéalement, gardez ce que vous savez pour vous. Contentez-vous de poser des questions. En fonction du niveau de certitude de vos preuves, vous pouvez avoir intérêt à en obtenir davantage ou un aveu. Si vous avez des informations dont vous ne pouvez pas révéler la source, rien ne vous empêche de poser des questions malgré tout. N’oubliez pas que si vous ne pouvez pas lire dans les pensées, l’autre ne le peut pas non plus. Le doute pourrait ainsi changer de côté.
Ne laissez pas penser à votre interlocuteur que vous ne le croyez pas. Entretenez soigneusement la relation de confiance. Déjà parce que si vous êtes dans l’erreur, vous n’aurez pas de regrets. Et puis parce qu’il sera plus enclin à parler et à répondre à vos questions si vous avez un intérêt sincère et s’il se sent en confiance. Mais n’ayez pas peur de revenir plusieurs fois sur le sujet.
S’il se fâche ou fuit la conversation, c’est probablement que vous avez touché un point sensible. Mais n’en tirez aucune conclusion. En revanche, vous pouvez mettre des mots sur ce qui est en train de se passer dans l’échange. Lui demander calmement pourquoi il se met en colère. Si l’émotion est trop importante. Ne forcez rien. Mais ne laissez pas tomber. Revenez plus tard. En plus de votre besoin de transparence ou d’authenticité, vous avez peut-être un besoin de communication à satisfaire. La vérité n’est pas l’unique condition pour entretenir une relation épanouie. Si votre interlocuteur fuit systématiquement le dialogue, vous pouvez aussi vous demander ce qui est important pour vous dans cette relation.
Que faire face au mensonge ?
Au risque de vous décevoir, il n’y a pas de réponse toute faite. Il y aura la vôtre. Ce sont les mots que vous allez mettre sur vos besoins qui seront importants. Et la manière dont vous vous affirmerez face à l’autre.
Affirmez vos valeurs et vos besoins
Vous êtes la personne la plus importante de votre vie. Quoi que puisse représenter l’autre à vos yeux, vous n’avez aucune raison de le faire passer avant vos propres besoins. Vous méritez de vous affirmer et d’affirmer vos valeurs. Si le mensonge vous heurte, alors dites-le. Demandez de la transparence, de l’honnêteté. Redéfinissez explicitement les termes du contrat implicite que vous avez passé avec l’autre. Et s’il n’est pas respecté, alors ça sera à vous d’aviser et de prendre les décisions qui s’imposent.
Il n’y a pas de petit ou de gros mensonge, il y a juste ce que ça vous fait de le subir. Ce sentiment mérite d’être partagé, parce que c’est vous. Ayez confiance en vous. Ne vous laissez pas déstabiliser par l’aplomb de l’autre, par sa propre confiance. Tout ce que vous ressentez est juste. Ne vous faites pas happer par le fond du mensonge. Lorsque vous écoutez l’autre, restez connecté à vous-même. Si vous n’y arrivez pas, revenez à vous et à votre intériorité après l’échange. Il n’est jamais trop tard. Mettez des mots sur vos besoins et imaginez ce que vous allez pouvoir demander à l’autre afin qu’il vous rendre la vie plus belle. Et demandez-le lui.
Questionnez les besoins de l’autre
L’intention n’est pas sans importance. La PNL nous apprend que chaque comportement a une intention positive. D’autres parlent de bénéfice secondaire. C’est à dire la motivation pour soi-même ou pour l’autre à faire quelque chose, aussi inapproprié dans les faits que ça puisse être. Identifier l’intention positive du mensonge vous aidera sans doute à prendre un peu de recul à ne plus vous sentir personnellement visé par de la malveillance. C’est une étape possible pour sortir du rôle de victime et reprendre du pouvoir sur soi-même.
Vous pouvez essayer de vous mettre à la place de l’autre pour essayer de comprendre ses motivations. Ou bien le questionner directement :
Pourquoi c’était important pour toi de me mentir ?
Qu’est-ce que tu voulais de bon pour nous en me mentant ?
Qu’est-ce qui t’a poussé à me mentir ?
De quoi avais-tu peur pour ne pas me dire la vérité ?
Voici le genre de questions que vous pouvez lui poser pour mieux cerner ses propres besoins. Ils peuvent être de toute sorte et vous n’êtes pas assuré de les identifier avec certitude. Par expérience de l’accompagnement, je sais que le mensonge est très souvent une manière (inadaptée) de préserver la relation.
Le mensonge préserve la relation
Le mensonge est souvent un moyen de préserver la relation. C’est une assertion qui peut sembler paradoxale tant le mensonge peut affecter la confiance alors je m’explique. De nombreuses personnes voient dans le conflit un écueil, une rupture de l’harmonie parfaite qui devrait (selon elles) régner dans la relation. Exprimer un désaccord, des valeurs et des besoins différents, et prendre ainsi le risque d’entrer en conflit avec l’autre est quelque chose d’extrêmement sain. Pourtant, pour ces personnes, le mensonge est préférable à la vérité si elle expose à ce genre de divergences. Mentir est, pour elles, un moyen de ne pas égratigner les valeurs de l’autre. Et un moyen de s’éviter le poids de leur responsabilité face à l’autre.
Si vous avez à faire à ce mode de fonctionnement, vous pouvez vous questionner sur vos propres peurs dans la relation. Car il y a fort à parier que l’autre les sente et tente de vous en préserver si vous êtes dans une relation plutôt fusionnelle. La fusion consiste à se sentir incomplet sans l’autre. Dans ce genre de relation, on fait peser sur l’autre nos manques, nos carences, nos peurs, nos angoisses existentielles, à commencer par la solitude, et on lui donne la mission implicite de nous combler, de nous protéger, bref, de nous compléter. Dans cet environnement, certaines vérités pouvant susciter de l’inquiétude, des craintes, l’autre peut se sentir, inconsciemment, le devoir de nous les épargner.
Le coaching donne des ailes
Un accompagnement de couple peut s’envisager mais un accompagnement individuel, coaching ou autre, n’est pas superflus. Car chacun mérite de retrouver sérénité et confiance afin d’accepter la réalité, quelle qu’elle soit, pour soi et pour l’autre. L’accompagnement donne parfois le recul nécessaire pour voir la relation telle qu’elle est réellement et pas telle qu’on l’a idéalisée. Quoi qu’il en soit, au delà de la compréhension de l’autre et du décryptage de la relation, il est important que vous restiez connecté à vous-même et que vous vous fixiez des limites afin de ne pas tomber dans un piège abscons. J’ai bien dit abscons.
Kescéksa un piège abscons ? Si vous me le permettez, je vais ouvrir une petite parenthèse pour vous le rappeler.
Le piège abscons
Il vous est peut-être arrivé d’attendre le bus plus longtemps que d’ordinaire (sinon vous pouvez l’imaginer) et de vous dire que ce serait trop dommage de partir maintenant parce que, si ça se trouve, le bus arrivera juste après que vous soyez parti. Alors vous attendez encore un peu plus. Vous attendez jusqu’au moment où vous réalisez que si vous aviez marché pendant le temps que vous avez déjà attendu, vous seriez déjà arrivé.
Alors vous vous dites que ce serait encore plus dommage de partir maintenant. Le bus n’en a sûrement plus pour longtemps. Abandonner maintenant serait admettre que le temps que vous avez passé à attendre a été gâché. Vous cherchez donc à rationaliser l’utilisation de votre temps et continuer à attendre devient alors le choix le plus logique. En réalité, selon ce principe, plus vous avez attendu, plus vous pouvez attendre. Vous vous êtes enfermé vous-même dans ce piège parce que vous ne vous êtes pas fixé de limite.
Le joueur compulsif qui se dit sans arrêt que la mise suivante sera la bonne et qu’il va se refaire développe une croyance selon laquelle plus il a dépensé, plus il se rapproche de ses gains. C’est un piège abscons.
L’amoureuse qui attend que son homme change et l’aime enfin avec le respect qu’elle pensait mériter (mais qui commence à en douter), qui pardonne chaque mensonge en se disant que “cette fois, c’est bon, il a compris”, est possiblement prisonnière d’un piège abscons. Pour en savoir plus sur le piège abscons (ou la théorie de l’engagement), vous pouvez lire l’excellent ouvrage de Joule & Beauvois, Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, en partie inspiré des expériences de Robert Cialdini.
Comment éviter le piège abscons face aux mensonges répétés
Voici donc deux conseils pour ne pas jouer indéfiniment et pour ne pas y laisser trop de plumes. Mon premier conseil est : fixez-vous des limites ! Définissez un temps, une date, un nombre de “chances” maximum. Et surtout, tenez-vous y ! Si vous vous arrangez avec vos propres limites, vous risquez d’en fixez encore et encore et de replonger dans un piège abscons. Si vous gardez à l’esprit cette notion de piège abscons, il vous sera plus facile d’en sortir même si vous avez déjà beaucoup retardé l’inévitable.
Mon second conseil est le suivant : ne cherchez pas à rationaliser le temps passé ou le nombre de tentatives échouées. Il n’y a absolument aucun rapport entre le nombre de fois où vous y avez cru et la proximité de la réussite ou du bonheur. Vous vous mentiriez à vous-même en faisant ce lien.
Vous avez essayé, et ça n’a pas marché. Ce n’est pas de votre faute, vous avez fait de votre mieux, maintenant, pensez à vous. Vouloir changer l’autre revient parfois à se battre contre des moulins et surtout ce n’est pas la meilleure façon d’aimer.
A partir du moment où vous avez exprimé ce qui était important pour vous et que l’autre vous a laissé comprendre qu’il avait entendu mais qu’il n’a rien changé, vous avez le choix. Vous pouvez aimer l’autre tel qu’il est, ce qui revient peut-être à accepter que la relation n’est pas possible pour vous. Ou bien vous pouvez l’aimer pour ce que vous voudriez qu’il soit, rester avec coûte que coûte et perdre votre énergie à essayer vainement de le changer.
Pour conclure
Face au mensonge, c’est la torture du doute qui nous guette. Mais le doute en réalité est salvateur et il est important d’accepter de ne pas savoir plutôt que de se créer des certitudes délétères. Le premier écueil est la lecture de pensée. Le second est la rationalisation qui nous fait occulter jusqu’aux faits pour préserver nos croyances ou nos illusions. Le piège abscons est certainement la pire chose qui puisse vous arriver face au mensonge d’autrui : vous enfermer dans la croyance que les choses vont finir par changer.
Face au mensonge, nous sommes légitimes à réaffirmer à chaque fois que nécessaire nos besoins. Transparence, honnêteté, confiance… Aucun d’entre eux ne mérite d’être relégué au second plan au profit de l’harmonie apparente de l’ensemble. Nous avons le droit de ne pas être d’accord. C’est même un devoir qui relève de notre responsabilité. C’est notre devoir de parent, afin de transmettre nos valeurs. Notre devoir envers nous-même afin d’honorer notre existence et notre mission d’humain. Mais aussi notre devoir citoyen afin de contribuer à la collectivité.
Alors et vous ? Comment vous positionnez-vous face au mensonge ?