La biographie est un voyage. Son écriture, de séance en séance, vous guide à travers un éternel présent que sont l’entretien et la durée qui vous sépare de l’entretien suivant.
Tandis que votre voix sème les souvenirs et que je les transcris sur la page, la couleur de la lumière change. Les ombres se raccourcissent ou s’allongent. L’écriture de votre livre nous mène de saison en saison. Il arrive toujours le moment où le narrateur que vous êtes et l’écrivain-biographe que je suis, nous nous surprenons à dire :
– Tiens ! Il y a quelques semaines encore, il neigeait et aujourd’hui, les bourgeons apparaissent !
Ou
– Les feuilles deviennent rousses ! Les chemins sont gorgés de pluie !
Signe que le livre avance au fil de votre voix et sous le mouvement de ma main pour arriver à son terme, si sa naissance est annoncée à l’automne.
Ce qui est spécifique au projet biographique, c’est que le temps de l’écriture se mêle au temps du souvenir. Pendant que les fleurs étincellent à votre fenêtre, nous racontons ensemble votre patinage sur l’étang gelé de votre jeunesse. Pendant que le givre étoile les branches de l’arbre d’aujourd’hui, le pommier du jardin de jadis se constelle de pétales roses et blancs. Votre mémoire est un miroir qui vous projette ce qui vous semblait disparu depuis longtemps : le cristal du vase de votre grand-père, le chat tigré, le muret bordé de mousses sur lequel votre fiancée vous attendait, la robe du premier soir de bal…
Ma plume alliée à votre voix et votre voix unie à ma plume créent un temps unique, hors du temps, où les mots sont des secondes qui vous révèlent l’éternité de votre enfance que vous croyiez à jamais perdue.
C’est ainsi que dans votre chambre peut résonner le galop du feu cheval ami Tremblecour qui revient de si loin – du pays de l’oubli – pour vous retrouver comme si vous aviez dix ans. C’est ainsi que la lumière de la lampe d’un conte éclairant vos anciens rêves éclot dans la clarté de la lampe de votre bureau sous laquelle nous écrivons, en cette fin d’après-midi.
De même, il est fréquent qu’alors que nous pensons la biographie achevée, un souvenir enfoui éclate de toute sa force. Aussitôt, le temps s’accélère, se condense en un seul instant, semblable à celui où l’on entrevoit un météore. Vite ! Il faut le retenir et le poser là, sur les lignes du cahier, avant qu’il ne s’échappe, évincé par une autre réminiscence, tout aussi importante et fugace…
Bien sûr, le constat est inévitable. Plus on laisse les souvenirs apparaître dans le reflet de la mémoire, plus on constate qu’ils ne sont que des images intérieures au psychisme et que la réalité nous renvoie renversées :
– Dire que tous ces enfants ont vieilli ! Qu’ils sont morts aujourd’hui !
Mais tant que votre voix les nomme et tant que la pointe de mon stylo allume une goutte d’encre pour chacun d’eux, ils sont tous là, rassemblés, au bon endroit…
Telle est l’écriture de votre livre, une vie qui se poursuit mot après mot.
Telle est la biographie, un voyage à travers la vie jusqu’au moment où l’on posera le point ultime.
Signe que l’œuvre est accomplie.
Nous aurons donc fait bien davantage qu’écrire ce que vous avez vécu. Nous aurons rendu à la vie tous ces jours, toutes ces heures de votre vie qui se pressaient sur la page pour ne pas s’effacer.
Géraldine Andrée Muller
Écrivain privé-biographe familiale-psychobiographe-écritothérapeute
Pour découvrir ma démarche de biographe familiale et d’accompagnatrice à l’écriture de vie, rendez-vous sur mon site L’Encre au fil des jours