Pourquoi la communication positive est-elle aussi importante dans les soins ?
Tout simplement parce que dans une situation stressante, lorsque l’on a mal, lorsque l’on est angoissé ou tout simplement en position de fragilité, nous avons besoin de sentir chez l’autre une posture positive. C’est dans cette posture positive que le patient va pouvoir puiser la confiance, l’empathie et le soutiendont il a besoin tout au long de la prise en charge de sa maladie ou de la gestion de ses soins.
Je pourrais vous faire aisément un parallèle avec l’école. Entretenir dans une classe un climat de malveillance, un climat agressif, avec un adulte en position de supériorité qui se permet de parler négativement ou de dégager un comportement négatif, et l’enfant ne sera pas dans les conditions idéales pour apprendre, prendre confiance en lui, acquérir de nouvelles connaissances. Il ne pourra pas !
Et bien à l’hôpital, ou même chez soi lorsque l’on reçoit son infirmière libérale ou l’équipe d’HAD, la situation est la même. Pour que le patient puisse tirer bénéfice de son éducation thérapeutique, de ses soins, pour qu’il puisse comprendre au mieux ce que vous lui faites et ce qui est bon pour lui, il faut que cette confiance et ce climat positif soit installé.
Une des grandes frustrations des soignants aujourd’hui et bien sûr de ne pas avoir le temps d’installer ce climat de confiance.
Alors comment faire pour pouvoir utiliser la communication positive même dans le contexte actuel et malgré la conjoncture et l’absence de personnel ?
Et bien tout simplement en changeant la façon dont nous parlons. Depuis que nous sommes tout petit, nous entendons du négatif pour faire passer un message positif. Je m’explique :
Les mots que nous employons sont le reflet de notre pensée. Ainsi il serait utopique de croire que tous les mots que nous utilisons, nous les employons par pur hasard. Absolument pas. Ils ont tous un sens et c’est d’ailleurs bien pour cela que les grandes formations de vente utilise la communication positive comme stratégie marketing. Tout simplement parce que les mots que nous employons vont venir agir directement sur notre cerveau avec une puissance que nous ne soupçonnons pas, tout comme le non verbal. Cela permet d’avoir une certaine influence sur l’autre. Dans le cas qui nous intéresse, nous ne recherchons pas à manipuler l’autre, mais bien à utiliser la communication comme un soin à part entière.
Pourquoi est-il si difficile de se retenir de dire la phrase : ne vous inquiétez pas.
Et bien tout simplement parce qu’à l’hôpital les situations où il n’y a aucune inquiétude sont extrêmement rares. Même un petit soin peut entraîner de l’inquiétude. Lorsque l’on est soignant, on ne connaît que trop bien toutes les complications qui peuvent arriver. Ce serait mentir que de pouvoir dire à un patient qu’il n’y a aucun risque, aucune inquiétude, aucun problème. Notre tête de soignants est justement parasitée en permanence par tous les problèmes qui arrivent chez chaque patient. Pour autant, notre rôle est de ne pas transmettre ses préoccupations aux malades. Pour cela je vous invite à regarder une petite vidéo que j’ai réalisé et qui vous parle justement de ces phrases négatives que l’on utilise pour faire passer un message positif. Je les appelle les faux négatifs.
Pour les soignants qui sont formés à l’hypnose, vous savez que l’utilisation permanente du positif est essentiel dans le processus hypnotique. Pourquoi ? Eh bien simplement parce qu’avec l’arrivée des neurosciences nous nous sommes rendus compte que le cerveau n’est pas en capacité d’entendre la négation. C’est d’ailleurs pour cela que lors ce que vous dites un enfant : ne court pas, il continue de courir ou lorsque vous lui dites : ne touche pas, il touche. D’ailleurs, avouez-le, ce qui a piqué votre curiosité, c’est bien le titre de cet article. Titre qui est en train de vous dire “l’article à ne pas lire”. Il suffit qu’on utilise la négation avec l’action pour que le cerveau est envie de réaliser cette action. Ce qui vous a donné envie de lire cet article c’est bien parce que le titre vous invitez à ne pas le lire.
Lorsque l’on comprend ce mécanisme, on peut alors commencer à s’observer pendant une journée de travail, et regarder le nombre de fois où l’on utilise du négatif pour rassurer, expliquer, éduquer ou simplement faire passer une information. Notre langage soignant est truffé de mots qui indiquent au cerveau des choses négatives : problème, mal, douleur, angoisse, stress, insomnie, inquiétude, risques, opération, piquer, gratter, brûler, complications. C’est fou si vous prenez cinq minutes pour réfléchir à cela vous vous rendez compte que tous les conseils que l’on donne au quotidien dans nos soins sont des messages négatifs et que l’on demande très rarement à nos patients ce qu’ils sentent, ce qu’ils ressentent, comment ils se sentent. Alors que l’on nous apprend tous les bénéfices de la question ouverte pendant nos études, nous ne l’utilisons plus au quotidien dans notre relation de soins. Pourtant c’est bien cette question ouverte qui va permettre de ne pas induire du négatif chez l’autre. Utiliser un mot à sens large, comme la sensation, le ressenti, permet à l’autre de pouvoir tranquillement et sereinement exprimer ce qu’il ressent, ce qu’il a compris, ou simplement ce dont il a besoin.
La communication positive permet donc de créer ce climat où l’interlocuteur qui parle, à savoir le soignant pour ce qui nous intéresse, ne vient pas inconsciemment enfermer le patient dans un cadre négatif où il n’aura plus la place d’y trouver les éléments essentiels à la relation de confiance et la relation de soins.
Mais alors pourquoi est-il si difficile pour un soignant d’utiliser la communication positive ?
Et bien parce qu’il y a un petit peu de nous dans cette relation. Je dirais même beaucoup. On a tendance à penser que la personne la plus importante dans une relation de soins c’est le patient, mais on ne peut pas faire fi de l’émetteur, c’est-à-dire le soignant. En fait, la plus grosse complexité dans une communication positive ce n’est pas le patient, c’est le soignant. Cela me rappelle une phrase que j’aime beaucoup utiliser en formation :
Il n’y a pas de patients difficiles il n’y a que des soignants en difficulté.
Alors revenons-en à notre soignant. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que chaque ressenti chaque observation, chaque transmission négative du patient, va indéniablement remettre en cause le soignant. Le ressenti du patient devient de manière totalement inconsciente un indicateur de compétence du soignant. Je vous donne un exemple concret : Ne ressentez-vous pas une grande fierté, une joie, une grande satisfaction lors ce que vous réalisez un soin sans douleur ? Lorsque vous réussissez à piquer un patient et qu’il n’a rien senti ? Lorsque vous arrivez à soulager un maux ? Lorsque vous réussissez à sécher des larmes ou à rassurer un patient au creux de la nuit ? Nous avons tous ressenti en tant que soignant ce bonheur lorsque le patient nous gratifie et lorsqu’il nous dit que nous lui avons apporté quelque chose. C’est normal et naturel. Mais à l’inverse, l’expression de ces mots viens réveiller en nous cette peur d’être un mauvais soignant ou un professionnel incompétent. Si le patient est inquiet, douloureux, insomniaque, stressé, triste, apeuré est-ce que cela veut dire que le soignant a bien fait son travail ? La prescription est-elle bien faite ? Le traitement est-il bien donné ? Le pansement a-t-il été fait correctement, L’analgésie avant les soins a-t-elle été respectée, lui a-t-on bien expliqué ?
Si en voulant rassurer l’autre on essayait pas de se rassurer soi-même ? C’est vrai quand on y réfléchi, un patient soulagé est bien accompagné est une sorte de réussite. Donc nous avons un intérêt inconscient à ce que cette personne ne soit pas douloureuse, stressée, angoissée. Difficile de garder cette posture positive et ce mental ouvert et créatif qui est indispensable à la communication positive, lorsque l’on a soi-même peur de ne pas y arriver ! Lorsque l’on se sent déjà mis en jugement de notre compétence en fonction de ce que l’autre vit. Ce que je veux dire par-là c’est que pour pouvoir pratiquer la communication positive, il faut déjà ne plus avoir peur des ressentis et émotions à connotation négative que peut exprimer le patient. Un soignant qui a peur de faire mal, peur de ne pas réussir à soulager, peur de ne pas y arriver, peur de ne pas gérer, ne peut pas se mettre en posture de communication positive.
Une des grandes clés et donc déjà d’accepter qu’on ne peut pas tout apporter aux patients, on ne peut pas le soulager de tous ses ressentis, de toutes ses sensations, de tous ses mots. Il a lui aussi à traverser des émotions ou des ressentis négatifs tout au long du parcours de sa maladie, et c’est de notre rôle que de les accepter sans essayer de les combattre.
Ainsi vous imaginez bien que pour pouvoir faire une prise de sang et être dans une communication positive lorsque le patient est particulièrement stressé par ce soin, la condition sine qua non est déjà d’accepter que ce soin est douloureux en soi et que vous n’y êtes pour rien. Une fois que vous avez passé cette étape alors vous allez pouvoir accompagner ce soit en communication positive :
Bonjour Madame, je viens vous voir parce que j’ai un soin à vous faire. Le médecin souhaite vérifier votre taux de potassium et pour cela j’ai besoin d’un petit peu de sang. Je vais donc m’occuper de vous et vous prodiguez ce soin…. Je dépose un produit qui est frais …. Respirez tranquillement tout va bien je m’occupe de vous. (je vous invite pendant des soins techniques à faire parler les patients des choses qu’ils aiment, les choses qui les font vibrer, des grands souvenirs, des grands voyages ou des réalisations qui les amène dans un autre endroit). Lorsque je vous fais la prise de sang vous allez certainement ressentir quelque chose vous me direz ce que vous ressentez. Privilégier cette phrase à l’avertissement : attention je pique, ou attention ça va piquer, je serre pour parler du garot. Comprenez bien que toutes ces phrases négatives ne sont pas faite pour rassurer le patient mais bien pour rassurer le soignant !!!! Mais oui évidemment vous voyez où je veux en venir, vous culpabilisez d’écraser le bras de cette pauvre vieille dame à la peau si fragile dans votre garrot en caoutchouc parce qu’on ne vous en a pas fourni des garrots en tissu, vous culpabilisez d’aller mettre une aiguille dans le bras de ce petit enfant ou dans le bras de cette dame qui est piqué plusieurs fois par semaine. Pour peu que vous ayez en plus l’angoisse de rater ou qu’elle ait des veines qui roulent ou qui pètent, vous vous sentez obligé de vous dédouaner en lui disant attention je pique.
En fait ce que vous lui dites à ce moment-là c’est : je suis désolé mais je n’ai pas le choix que de vous faire mal. Et ça nos patients le savent très bien. Il n’y a qu’à voir l’amour qu’ils portent aux infirmiers, aux aides-soignants et à toutes les équipes paramédicales qui s’occupent d’eux au quotidien. Ils savent très bien qu’aucun soignant ne rentre dans la chambre avec le regard sadique et l’envie de faire souffrir l’autre par pur plaisir personnel. Ce n’est donc pas la peine de se déculpabiliser en utilisant du négatif. Respirez, faites-vous confiance, faites leur confiance, et ouvrez votre esprit pour pouvoir vous mettre en posture de communiquer positivement avec l’autre. Tout va bien. Tout est OK.
Surtout rappelez-vous, il n’y a jamais d’échec dans le soin il n’y a que de l’expérience.