Trop lourde, la culpabilité irrationnelle!

Trop lourde, la culpabilité irrationnelle!

Contrairement aux émotions naturelles que sont la joie, la tristesse, la colère et la peur qui sont innées, la culpabilité est une émotion apprise, complexe et liée à de nombreux facteurs : culturels, sociétaux, familiaux, religieux, etc. Si elle est utile comme garde-fou pour le « vivre ensemble », elle l’est beaucoup moins lorsqu’elle s’insinue en vous de manière inconsciente ou injustifiée. Dans tous les cas, c’est le sentiment de faute qui l’engendre.

Je n’évoquerai pas ici les bienfaits d’une culpabilité seine comme frein aux actes répréhensibles, malhonnêtes ou meurtriers, mais les bienfaits d’un travail sur soi pour se défaire d’un sentiment de culpabilité irrationnel et malsain. Je ne vous apprends rien quand je vous dis qu’il y a une grande différence entre les deux au niveau de la réalité de « la faute » et de ses conséquences. Pourtant, sur le plan émotionnel et inconscient, ce n’est pas si évident.

Voici un exemple, un peu cliché je vous l’accorde, mais sommes toute assez courant. Dans tous les cas, il est parlant et vous pouvez sans autre l’associer à d’autres situations similaires : votre mère (ou une autre personne proche de votre choix) vous téléphone tous les deux jours en vous reprochant à chaque fois de ne jamais l’appeler et de ne pas vous souciez d’elle. Elle tente de vous culpabiliser quant à son sentiment de solitude ou d’éloignement. Votre mère reporte sur vous ses propres difficultés, vous en rend responsable. L’êtes-vous pour autant ? Y croyez-vous ? Ressentez-vous à chaque fois ce pincement au cœur à l’idée de votre mère éplorée à l’autre bout du fil ? Il y a des chances que oui. C’est votre mère, après tout. Vous vous sentez redevable, vous avez des comptes à rendre, c’est certainement ce que vous croyez. Ne pas en faire assez pour elle vous rend coupable et vous méritez qu’elle s’en plaigne, non ? Alors vous vous répandez en excuses et tentez de faire amende honorable. Votre énergie baisse, votre moral s’amenuise, vous pouvez même ressentir un peu de colère ; que vous refoulez, car il ne faudrait surtout pas dynamiter la situation. Pourtant… là est bien la solution, en douceur, soit dit en passant. Les gens qui se sentent victimes sont très doués pour culpabiliser les autres, alors que ces derniers font de leur mieux et n’ont rien à se reprocher. Dans cet exemple, vous n’êtes pas responsable du sentiment de solitude de votre parent.

Admettons maintenant que vous mettiez les points sur les i avec votre mère en lui expliquant de manière bienveillante quelles sont vos limites… qu’elle n’accepte pas. Elle se renferme et vous reproche de plus belle votre ingratitude. Vous repartez tous les deux fâchés. Cela vous préoccupe, vous aimeriez une solution équitable. Vous donnez déjà votre maximum en termes de temps et d’énergie compte tenu de vos propres impératifs. Quelques jours passent et vous vous sentez toujours très mal dans cette situation conflictuelle. Il se peut que ce soit par empathie pour votre mère, dans ce cas, je vous invite à en prendre note, puis à libérer la tension, car vous n’y pouvez plus rien. Vous avez fait de votre mieux. Faites confiance à votre mère, c’est elle qui a la solution, ne vous laissez plus empoisonner. Il se peut également que vous croyez lui avoir fait du tort en lui parlant franchement et la peur de ne plus être aimé de votre mère vous inquiète. C’est cela, le sentiment de culpabilité irrationnel ! Vous vous faites un film, vous croyez avoir raison sans vérifier et quand bien même, croyez-vous vraiment que vous êtes responsable des sentiments de votre mère ? Que vous pouvez la contrôler ? Réfléchissez à l’importance que vous vous donnez. Oui, vous êtes important pour elle, vous êtes aimé d’elle, mais vous n’avez pas le super pouvoir de contrôler ses sentiments. C’est de sa responsabilité. Là est toute la question, qui est responsable de quoi ? Vous êtes responsable de vos sentiments, de vos émotions, de vos pensées, de vos actes et de vos paroles. C’est tout. Vous ne pouvez maîtriser la façon dont l’autre va réagir, cela lui appartient ; c’est sa responsabilité. Que la personne soit d’accord avec cela ou non ne change rien pour vous. Alors, cessons de ruminer et prenons notre responsabilité, la nôtre et pas celle du voisin.

Prendre sa responsabilité sous-tend l’idée de discerner ses propres émotions de celles des autres et d’agir là où vous avez un réel pouvoir de changer les choses. C’est-à-dire d’abord en vous-même, puis éventuellement sur l’extérieur si cela s’y prête.

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Un exercice de libération émotionnelle ?

Profitez maintenant de ce courant de réflexion pour vous souvenir d’une situation dans laquelle votre sentiment de culpabilité vis-à-vis d’une personne est particulièrement marquant. Respirez profondément quelques fois, puis imaginez que vous laissez l’autre prendre sa responsabilité et agir en conséquence. Faites de même pour vous. Lâchez la peur et concentrez-vous sur l’amour, le respect, l’enthousiasme de la libération d’un poids trop lourd.

Placez votre confiance dans les capacités de chacun à surmonter les jeux d’égo, de savoir qui a tort et qui a raison, et ressentez ce qui se passe en vous, dans votre corps. Lorsque vous vous sentirez en paix avec ce nouveau scénario, remerciez l’autre personne pour ce qu’elle vous a appris, pour ce qu’elle vous a permis d’expérimenter et acceptez qu’elle ait ses propres limites. Reprenez votre pouvoir de décision, ancrez-vous dans la joie et dans l’amour pour vous-même et pour les autres, acceptez votre sentiment d’impuissance par rapport au ressenti de la personne qui vous fait face.

Imaginez ensuite une manière respectueuse pour vous-même et pour elle de réparer votre erreur s’il y en a une et si cela est possible. Dans le cas contraire, demandez-vous pardon de ne pouvoir agir concrètement, vous faites simplement de votre mieux. Puis demandez pardon à l’autre en vous connectant à sa lumière intérieure. Sentez comme ce processus vous libère. Revenez aux sensations de votre corps, dans l’instant présent.

Le passé n’existe qu’en souvenirs, le présent existe sur tous les plans. Et c’est là que vous avez le pouvoir de transmuter vos douleurs émotionnelles, en les libérant, en les comprenant, en vous autorisant à vous sentir bien, même si l’autre ne l’est pas. D’aucun n’a envie ni besoin de porter le fardeau des autres lorsque l’on sait que cela reste du ressort de la personne elle-même. Notre influence ne sert qu’à accompagner, guider, soutenir, si on le souhaite. En aucun cas à se rendre responsable « à la place de ».

Lorsque vous vous serez libéré de votre culpabilité, vous aurez alors le pouvoir d’aider vraiment.

Ce qui favorise un sentiment de culpabilité malsaine, irrationnelle

  • Se soumettre à la manipulation émotionnelle, affective et psychologique, encore pire : y croire.
  • Trouvez des excuses en faveur du comportement déviant de l’autre en croyant le protéger (si je ne le protège pas, la situation empirera et je me sentirais coupable de sa déchéance. Vous croyez l’aider dans le déni, mais c’est contreproductif, car vous soutenez indirectement ce contre quoi vous vous opposez.).
  • Se croire responsable d’une situation qui n’est pas liée directement à notre champ d’action (mon frère a eu un accident de voiture, car il a répondu à mon appel en conduisant. Je ne suis pas coupable de l’avoir appelé, c’est lui qui ne devait pas se laisser distraire.).
  • S’autocritiquer sans cesse par manque d’estime de soi (si je n’étais pas aussi nul, cela ne serait pas arrivé ; etc. Restez rationnel, cultivez l’humour et la bienveillance, améliorer votre estime de vous.).
  • Justifier une agression que l’on a subit (si je ne m’étais pas habillée de la sorte, je ne me serais pas fait violée. Je suis donc coupable de ce qui m’arrive. Non, non et non ! Rien n’excuse une agression.)
  • Être victime du syndrome du survivant (lors d’évènements traumatisants, il n’est pas rare que des gens auraient préféré mourir à la place des autres. Par la thérapie, ils peuvent se reconstruire en trouvant du sens entre leur ressenti émotionnel, l’événement traumatisant et leur histoire développementale.).

Ce qui permet de se libérer de la culpabilité malsaine/ irrationnelle

  • Métaboliser son estime de soi.
  • Prendre ses responsabilités et laisser les autres prendre les leurs.
  • Soutenir et non subir.
  • Se baser sur des faits et non sur des suppositions.
  • Travailler l’acceptation et le pardon.
  • Revoir ce qui, dans notre passé, nous amène à croire que c’est notre faute.
  • Explorer nos croyances et mettre en lumière celles qui nous amènent à nous sentir fautif. A chacun de décider quoi en faire, en conscience.
  • Mettre davantage d’amour, de compassion, de bienveillance dans nos relations, dans nos actes et envers nous-même.

La liste n’est bien sûr pas exhaustive, libre à vous de la compléter. Les raisons du sentiment de culpabilité peuvent être très graves et/ ou trop lourdes à porter seul, il est donc parfois nécessaire de se faire accompagner sur ce chemin de libération.

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En espérant que cette courte réflexion pour un sujet aussi complexe puisse susciter en vous quelques questionnements et quelques découvertes, je vous salue dans l’énergie du cœur.

A bientôt et prenez soin de vous !

Lorraine Chatelain