Écrire, c’est passer de l’autre côté ; c’est accéder à son immensité psychique, à sa profondeur ; c’est explorer une autre existence, celle de son intériorité ; c’est découvrir sa dimension cachée ; c’est se voir révéler cette indéniable vérité :
Je suis bien plus que ce que je ne parais.
Je compare l’écriture à une traversée du miroir représenté par la page. En écrivant, on va toujours au-delà : au-delà de l’idée, de la pensée, de la ligne, de la phrase, de la feuille. On parcourt d’autres espaces et d’autres temporalités que nous offre le pays de la mémoire émotionnelle. On franchit les limites du réel pour voyager dans un espace-temps où le passé et le futur se réunissent dans le présent de l’encre écoulée. Lorsque l’on ouvre son cahier, on dépasse un seuil ; on ouvre, en quelque sorte, la porte de sa propre éternité.
Aussi l’écriture d’une biographie relatant des expériences personnelles paranormales est-elle tout à fait possible. Le récit de vie peut parfaitement intégrer l’évocation d’un voyage ésotérique, métaphysique, ou être construit sur ce sujet principal de rédaction.
Depuis la parution du livre La Vie après la vie du docteur Raymond Moody, les récits sur les expériences spirituelles (expériences de mort imminentes, voyages astraux) se sont multipliés. Je songe notamment à l’autobiographie 45 secondes d’éternité de Nicole Dron, au récit Ma Part d’évidence de Marie de Solemne. Je vous renvoie pour cela à la petite bibliographie à la fin de ce billet 1.
L’enjeu d’un tel projet d’écriture est de raconter avec intensité ce parcours de vie singulier dans les deux sens du terme (à la fois personnel et hors du commun), en le rendant accessible à chacun et universel.
Beaucoup hésitent à se lancer dans ce travail ambitieux. En effet, les expérienceurs (personnes ayant vécu une expérience de mort imminente) ont peur de ne pas être compris, de passer pour fous, car ils sont confrontés à l’indicible de ce qu’ils ont vécu (vous pourrez compléter, si vous le désirez, la lecture de ce billet par mon billet Le cahier de l’indicible).
Comment, en effet, décrire ce qui dépasse les mots, les définitions et les concepts ?
Je peux vous accompagner sur ce chemin d’écriture hors des sentiers battus. J’ai moi-même vécu des expériences spirituelles : deux expériences de mort imminente, dont une à la naissance et l’autre, à l’âge de deux ans, suite à une sévère intoxication alimentaire (même si j’étais très petite, j’ai gardé de ces voyages au seuil de la mort une sensation de flottaison dans l’éther, comme si j’étais un bateau stellaire), ainsi qu’une traversée initiatique de vies antérieures lors d’une séance chamanique (je suis revenue de cette expérience avec une hypermnésie qui se traduit très souvent dans mes rêves ou en méditation).
Déposer l’indicible dans un livre, c’est s’en libérer. En effet, lorsque l’on a entrevu le plus grand et le plus puissant que soi, on peine à retourner à une vie normale et à se réadapter à son entourage. On peut comparer ce retour au monde à une entrée dans un gant trop étroit, alors que l’on s’est senti porté par une immensité souple et vibrante. L’écriture, par le mouvement de l’intérieur vers l’extérieur qu’elle représente, permet de confier ce bagage spirituel à d’autres lecteurs – votre entourage proche ou un public plus diversifié -, afin qu’ils l’ouvrent à leur tour et découvrent la richesse qu’il contient.
Dans le binôme d’écriture que nous formons, voilà comment nous pouvons procéder :
Généralement, quand se produit le basculement, celui-ci a déjà été annoncé par des signes : signe que l’on n’est pas sur la bonne route, qu’il faut changer de vie, d’état d’esprit. Le rôle de cette expérience est d’élargir notre conscience. Pourtant, elle surgit si vite et si violemment qu’elle ressemble à une déflagration. Pendant quelques instants, nous ne réalisons pas vraiment ce qui se passe. Nous sommes dans un entre-deux où le nouveau vécu se mêle à l’ancienne vie. Il arrive d’ailleurs, très fréquemment, que l’on se perçoive dans un état de dédoublement : C’est donc moi, ce corps allongé ? Comme je suis pâle ! ( Cas où l’on relate une expérience de mort imminente). C’est donc moi, cette jeune femme en robe d’époque rose ? (Cas où l’on va à la rencontre de l’une de ses vies antérieures). La variation de focalisations narratives (avec le passage de la première à la troisième personne, par exemple ; ou le fait que l’on s’adresse à cet autre soi-même par l’alternance entre le je et le tu) permet, en mettant à distance l’intensité émotionnelle de l’expérience, de la définir, d’en évoquer précisément les enjeux et ainsi, de se réapproprier, avec toute sa lucidité, l’enseignement que cette soudaine métamorphose apporte.
« Donc, j’ai été de multiples Moi ; je suis quelque part un être infini, multidimensionnel, de toute époque et de tout lieu. »
« Je savais bien que je n’étais pas sur le bon chemin, mais je persistais à m’obstiner. Cet accident m’a forcé à m’arrêter, dans tous les sens du terme, alors que j’étais trop orgueilleux pour stopper quand ça n’allait pas. Le fait de griller ce stop a éclairé mes blocages d’ego.«
Ensemble, nous mettons un sens sur ce qui semblait initialement incohérent, absurde, dépassant l’entendement.
L’écriture d’une biographie spirituelle est une excellente opportunité pour lâcher prise sur la rationalité du discours et pour s’autoriser à écrire autrement, loin des codes conventionnels du récit.
C’est ce que nous allons voir.
La structure thématique s’impose d’elle-même sur la structure chronologique. En effet, lorsqu’on fait une expérience spirituelle, on bascule dans un autre temps et un autre lieu. Impression de flottaison… Déplacement fulgurant, à la manière d’une comète… Bruit d’hélice comme si l’on devenait un avion… Le temps se mesure à une succession de sensations qui s’entrechoquent et à un emboîtement d’espaces. Traversée de tunnels qui s’élargissent… Murs qui disparaissent pour laisser entrevoir l’immensité… Architecture de nuages… Un déplacement dans des lieux insolites, bouleversés en une fraction de seconde, rythme cette nouvelle temporalité au cours de laquelle le passé et le futur s’abolissent dans un éternel présent. Le titre de l’ouvrage de Nicole Dron, 45 secondes d’éternité, résume parfaitement la condensation de l’éternité dans la brièveté. Stylistiquement, nous mettons en valeur cette autre échelle temporelle par des phrases concises, nominales ou réduites à un seul mot, qui peuvent ensuite s’expanser brutalement, pour traduire le déploiement d’une vision neuve, allant de soi au cosmos (ou l’inverse).
« Bras et jambes en étoile. Navigation. Je suis un bateau de lumière qui glisse de bleu en rose et de rose en bleu. Je suis devenue une planète et je comprends parfaitement désormais l’harmonie de tous les cycles de la vie. Je sens mon cœur… incandescent. »
Lorsque le narrateur fait l’expérience d’une fusion avec le Grand Tout, il éprouve des sentiments ambivalents : il sent qu’il s’efface, qu’il peut devenir aussi évanescent qu’un flocon, un nuage, une buée et aussi minuscule qu’une poussière d’astre. En même temps, il peut ressentir non seulement une présence inconditionnelle, mais aussi une forte union avec l’infiniment petit et l’infiniment grand. Nous adoptons, dans ce cas, le point de vue omniscient dans le récit ; ce qui permet de varier les regards, les angles d’approche et de perception. Rien n’est impossible dans ce type de narration. Décrire avec précision les nervures d’une feuille… Les sentir vibrer, telles les cordes d’un instrument de musique… Assister à la remontée frémissante de la sève et sentir que l’on possède la même pulsion de vie… Dans la biographie spirituelle, l’emploi de la synesthésie (correspondances entre différents sensations que les poètes Rimbaud et Baudelaire ont explorées) possède un précieux pouvoir évocateur. Le rouge peut émettre un cri, le bleu s’exclamer, le vert murmurer… Les couleurs ont une voix qui, elles-mêmes, s’assimilent au toucher d’un tissu… Bien sûr, l’emploi de la première personne du singulier abolit la distance entre l’univers et soi. Dans ce type de biographie, vous devenez l’univers. C’est pour cette cette raison que nous trouvons dans les récits de NDE (Near Death Expérience) une profonde résonance poétique que traduit l’alliance inattendue entre différentes images :
« J’enroule un filament de clarté au bout de mes doigts. »
Il est bien évident que l’on ne revient pas indemne d’une telle exploration de l’indicible.
On revient dans la vie ordinaire, littéralement touché. Et il faut un certain temps pour se réadapter à la vie quotidienne, avec ses contingences et ses limites, alors que l’on a goûté à l’absolu. Des questions peuvent figurer dans votre récit, évoquant notamment la peur de ne pas être compris, malgré l’envie de dire, de décrire l’intensité émotionnelle et sensorielle qui a été éprouvée. Qui me croira ? Est-ce le bon moment pour révéler ce que j’ai vu ? N’ai-je pas l’air trop étrange ? Ce sentiment d’étrangeté peut être approfondi, bien sûr, car l’écriture s’y prête bien. Les variations de pronoms personnels, le passage de la première personne à la troisième personne en particulier, montre que vous posez un regard distant sur celle/celui que vous avez été et donc combien vous avez évolué. Ce n’est plus moi, cette personne ambitieuse et matérialiste. Je ne suis plus Elle. Et Elle n’est plus Moi.
Dans cette traversée d’une vie nouvelle, il vous faut faire le deuil de l’ancien Moi et de tous les rôles qu’il jouait. C’est ainsi que sous la plume apparaissent des affirmations claires, comme autant d’ouvertures sur un seuil neuf. Je désire exercer un autre emploi, déménager, communiquer autrement avec mes enfants… Vous savez distinguer ce que vous ne souhaitez plus de ce que vous souhaitez (Cette situation, cette relation me paraissent dépassées, désormais). La particularité d’un tel deuil psychique est qu’il n’est pas triste. Bien au contraire. Il est rempli d’espoir. C’est un deuil lumineux.
Vous êtes désormais prêt pour écrire votre nouvelle vie qui s’annonce. Et c’est ce que nous faisons ensemble, en reformulant la leçon d’existence que vous avez retirée de ce voyage initiatique : un abandon de valeurs désuètes pour épouser d’autres valeurs qui correspondent à qui vous êtes ; moins d’importance accordée au paraître ; le fait de miser sur la richesse intérieure ; la volonté de reprendre des études…
Ainsi, vous aurez peut-être rempli fidèlement votre mission : de ce voyage au-delà de la vie, vous aurez fait une œuvre de vie, c’est-à-dire une œuvre vivante, vibrante, qui intègre la vie de l’univers qui évolue de concert avec vous et en vous.
En compagnie de ma plume, l’écriture aura elle-même incarné ce voyage – le vôtre -, fondu dans l’itinéraire de la longue caravane humaine que nous formons tous.
C’est tout le chemin intemporel que je vous souhaite.
1 Petite bibliographie spirituelle
- Charles Baudelaire ; le poème Correspondances
- Nicole Dron ; 45 secondes d’éternité : mes souvenirs de l’au-delà ; éditeur Kymzo
- Docteur Raymond Moody ; La Vie après la vie ; collection Aventure secrète
- Marie de Solemne ; Ma part d’évidence ; une vie transformée après une expérience de mort imminente ; éditeur Dervy-Livres
Géraldine Andrée Muller
Écrivaine privée-biographe familiale-écritothérapeute
Pour découvrir mon travail, rendez-vous sur mon site : L’Encre au fil des jours