Entre sagesse et folie

Entre sagesse et folie

J’aime mon équilibre instable, entre sagesse et folie, parce que ça me rend sacrément vraie. – Anna Magnani

Depuis toute petite, j’ai toujours été fascinée par l’âme et la psyché humaines. Alors que je vivais dans la violence psychologique et physique, je cherchais à comprendre ce monde qui m’était inconnu et qui ne correspondait pas à mes cinq premières années de vie, seule avec maman dans la joie et l’amour. L’enfer a commencé quand elle s’est remariée avec un narcissique manipulateur pervers violent.

J’observais les attitudes, les caractères. J’analysais les situations, les réactions pour tenter de trouver des points communs aux humains, pour les décoder, pour comprendre les souffrances et les réactions qu’elles engendrent, pour trouver des outils afin de soulager notre peine de vivre.

Arrivée au secondaire, après mon accident en 1976 où j’ai vécu une expérience de mort imminente, je suis rapidement devenue la psy de la classe. Un phare, une référence, une oreille attentive, j’offrais des mots réconfortants et aidant à vivre mieux. J’avais, dès lors, trouvé ma mission.

Durant mes vacances au lycée, j’ai notamment travaillé en psychiatrie lourde. La clé des portes fermées du service dans la poche et les yeux tout autour de la tête pour me protéger et faire attention à tous les patients.

A 18 ans, j’étais particulièrement attirée par les patients schizophrènes et je lisais des livres à ce sujet, particulièrement ceux d’antipsychiatres comme Ronald Laing. Je voyais bien que la psychiatrie comme tel ne permettait pas la guérison des patients qui avaient « disjoncté », si je peux dire. Quelque chose me disait que la guérison des maladies mentales était possible mais pas (seulement) par les médicaments.

Je me souviens d’un livre qui m’a marquée alors, Mary Barnes : un voyage à travers la folie.

Mary Barnes était infirmière lorsqu’à 42 ans elle commença à éprouver les premiers symptômes de ce qu’on appelle la  » schizophrénie « . En 1965, elle entra à Kingsley Hall, l’unité expérimentale créée par les antipsychiatres anglais sous la direction de Ronald Laing, où l’on sut la laisser régresser jusqu’à des stades très primitifs de la vie affective. Elle put ainsi, à travers cette mort symbolique, renaître à elle-même, délivrée du nœud de conflits relationnels qui l’avait jusqu’alors emprisonnée.

Depuis, Mary Barnes est « guérie » et son cas représente la réussite la plus exemplaire des méthodes préconisées par l’antipsychiatrie, opposée aux techniques médicales chimiques de la psychiatrie traditionnelle.

Les quatre corps

La lecture de ce livre a été un des déclencheurs qui a confirmé ce que je ressentais depuis mon accident : nous ne sommes pas juste un corps physique. Nous avons aussi une partie psychologique, une partie énergétique et une partie spirituelle. Les quatre corps interreliés qui, si l’un d’entre eux a une faille, peut entraîner les autres dans la maladie voire même la mort.

On pourra ensuite ajouter à ces sources probables, des sources au niveau de nos croyances, de nos blessures, dans notre lignée transgénérationnelle et même dans nos vies passées et notre karma. C’est ce que je découvre de plus en plus ces dernières années par mes propres expériences et avec mes clients en thérapie.

La ligne est mince

A mon retour de mon voyage de lumière à 14 ans lors de mon accident, mon corps énergétique ne s’est pas réinstallé autour de mon corps physique. Il était, en fait, à moitié en-dehors vers le haut et vers la gauche. Je n’étais donc pas ancrée du tout sur la Terre ce qui me donnait l’impression de flotter entre terre et ciel en permanence. Mon côté droit a aussi toujours été plus fragile comme s’il n’avait pas de protection. Les « bobos » physiques ont toujours été de ce côté.

J’avais cependant réussi à trouver des façons de me blinder pour tenter de rester le plus possible sur terre. Je devais vivre le moins d’émotions possible. La ligne entre la terre et le ciel était mince. Je pouvais « partir » facilement et cela me faisait peur mais je gérais.

La mort de mon père a créé un choc émotionnel où mon blindage s’est écroulé. Mon âme n’en pouvait plus. La dépression est alors entrée dans ma vie. J’étais déjà fragile énergétiquement mais là, ma psyché avait flanché. J’avais heureusement une grande force de vie et de caractère et j’ai toujours été une battante. J’ai réussi à trouver alors un équilibre de survie fonctionnel qui a duré des années.

C’est autour de 18 ans que la schizophrénie peut se déclencher chez la plupart des personnes qui pourraient en souffrir. C’est aussi l’âge où je suis tombée dans la dépression à la mort de mon père, que j’avais très peu connu. Entre un corps énergétique déplacé et la dépression, la ligne entre présence en conscience et folie était devenue très mince.

C’est alors que, un jour d’été où j’avais congé de mon travail à l’hôpital psychiatrique, assise sur un fauteuil au jardin, en train de lire par une belle journée de soleil, j’ai subitement senti que je « partais », que je me dédoublais et qu’une partie de moi partait vers la lumière. Ça a duré une fraction de seconde. J’ai quitté mon corps pour m’en aller vers la « folie », le haut de mon corps parti dans la lumière éblouissante. Mes neurones avaient disjoncté. Je m’en allais vers un autre Moi. J’ai très clairement senti que j’avais passé la ligne entre conscience et folie où j’allais basculer si je ne faisais rien. Tout s’est alors passé très vite.

Ma conscience subitement « réveillée », doublée d’une forme de terreur intérieure, m’ont fait revenir dans mon corps physique et sur terre mais pas sans peine.

Par réflexe, mes mains s’étaient accrochées aux bras du fauteuil de jardin. Je me suis mise à respirer profondément pour me ramener à moi-même. J’ai remis de la conscience dans mes pieds puis mon corps physique et j’ai fini par reprendre le dessus. Mon corps énergétique est revenu sur mon corps physique mais il ne tenait qu’à un fil, c’est le cas de le dire. Ce fut la première expérience de dissociation aussi claire que j’aie vécu après mon accident.

J’en ai vécu quelques autres dans les années qui ont suivi mais j’avais appris comment me retenir de « partir ». Il est néanmoins arrivé que je me demande si je n’allais pas me laisser retourner Là-Haut, parfois, tellement ma vie a été difficile par moments.

Je me souvenais de cet espace de pur Amour et Paix de l’Autre Côté et cela aurait pu être facile pour moi d’y retourner. Je ne voulais cependant pas faire de peine ni créer de dérangements chez mes proches qui auraient eu à s’occuper de moi. Aussi, mon corps physique étant en santé, je ne serais pas morte mais serais probablement devenue « folle » et donc un poids pour la société, ce que je ne voulais pas.

Je commençais aussi à comprendre qu’il existe des causes et des raisons pour lesquelles on décide – consciemment ou pas – de « disjoncter » ou pas.

Bien sûr, bien des causes peuvent entrer en ligne de compte. Mes expériences et ma compréhension de ces situations m’ont toujours ramenée aux faits que les chocs émotionnels brisent l’équilibre énergétique, spirituel et, ultimement, physique, que ce soient nos chocs dans cette vie-ci ou dans celles de nos ancêtres, ou de nos vies passées.

Chemin vers la guérison

Dès que j’ai compris que mon corps énergétique était décollé de mon corps physique (suite à mon accident) – j’avais 26 ans -, j’ai reçu des traitements et suivi des formations avec des énergéticiens pendant des années, ce qui m’a aidée beaucoup. La psychothérapie a aussi apporté beaucoup de compréhension et d’allégement. Je travaillais sur les quatre corps avec divers intervenants.

C’est cependant en rencontrant mon jumeau perdu en 2013 que j’ai finalement « atterri » complètement sur terre. Je sens, depuis, que mes deux pieds sont bien ancrés dans le sol et me sens solide. Dès lors, ma vie pris un chemin plus droit vers l’avant, après des années de errance à tous les niveaux. Je ne vis plus de flashs de « disjonctage », quoiqu’ils aient toujours été très rares.

Par ailleurs, c’est en travaillant sur mes vies passées avec un moine au Sri Lanka que j’ai réussi à sortir complètement de ma dépression en 2015. J’avais 53 ans. Je vous raconterai une autre fois.

Étiquettes

J’observe les gens, les groupes sur Facebook en rapport avec la douance, l’hypersensibilité, le TDA, les Asperger, les zèbres, l’autisme, la schizophrénie et autres « mal-a-dit » mentales. Je regarde avec intérêt la série Perception et tout ce qui touche à la psychologie.

Tellement de gens se font étiqueter de ci ou de ça, particulièrement les jeunes qui se cherchent. Je les lis dans un groupe de « zèbres » et je sens leur détresse, la même que j’ai vécue après mon accident puis dans ma jeunesse. Ils sont tellement sensibles. Ils peuvent cependant se soutenir entre eux car ils sont des milliers aujourd’hui. J’étais seule, alors, et ne pouvais pas en parler avec personne à moins d’être prise pour… une folle. J’ai vite appris à ne pas en parler.

Aujourd’hui, je me dis que, si j’avais suivi ce que font ces jeunes, soit plein de tests et de rencontres avec des psys, des médecins et des psychiatres pour qu’ils les étiquettent afin de leur donner un sens à vivre, j’aurais probablement été peut-être internée en asile ! Je porte quelques symptômes de folie qui viennent de la lignée du côté de ma grand-mère. Son père était psychiatre. Son oncle était tellement intelligent qu’il était champion du monde d’échecs et il a fini sa vie en asile psychiatrique, déconnecté de la réalité et schizophrène.

On a tous des gènes qu’on porte qui ne nous appartiennent pas, qui peuvent expliquer ce qu’on vit dans cette vie-ci. Je sais aujourd’hui, par exemple, pourquoi je n’ai pas travaillé dans le domaine médical pur – comme quasi tous les membres de ma famille – mais plutôt dans un domaine psychologique afin d’aider les âmes à s’alléger de leurs souffrances et trouver le bonheur (comme mon arrière-grand-père psychiatre). C’est aussi une des raisons pourquoi j’ai probablement frôlé la schizophrénie (de mon arrière grand-oncle). Les sources et causes peuvent sauter des générations et se déplacer dans les lignées. Ce n’est pas toujours dans la lignée directe.

Depuis l’âge de 18 ans, j’ai décidé consciemment de toujours me battre pour ne jamais disjoncter dans la « folie », de ne jamais « partir » dans la lumière même si l’envie m’a traversé plus d’une fois.

C’est de là que s’est installée en moi, depuis des années, la croyance profonde que les personnes qui décrochent pour aller dans la maladie mentale pourraient probablement être aidées en travaillant sur les blessures de fond (comme pour Mary Barnes), et/ou sur le transgénérationnel et/ou sur les vies passées et le karma.

Notre folie contrôlée

Nous portons tous des symptômes de ci ou de ça. Nous avons tous une part de nous-même qui est un peu « folle », disjonctée, désinhibée mais nous faisons tout ce que nous pouvons pour l’étouffer afin de toujours paraître « pas fou/folle ».

On se retient souvent de laisser notre joyeuse folie s’exprimer. On a souvent peur de cette partie de soi sur laquelle on risque de patiner quelques instants plutôt que de marcher solidement comme d’habitude. On reste dans le connu. Pourtant, c’est en la laissant vivre qu’on retrouve ensuite encore mieux son ancrage, sa solidité, son intégrité. C’est une folie contrôlée, consciente et sur laquelle on a pleins pouvoirs. Elle fait partie de nous et elle a besoin de se sentir vivante pour qu’on puisse garder notre équilibre.

C’est notre équilibre et cet équilibre, c’est notre sagesse… teintée de folie douce ! 😉

De tout ❤ ensemble vers un monde meilleur, celui que nous voulons.

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Dominique Jeanneret

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