Elle rentre du travail exténuée.
Elle n’a qu’une envie, ou plutôt un réflexe : s’endormir devant une série.
Mais elle a pris un rendez-vous avec quelqu’un d’important : elle-même !
Elle se doit donc ponctualité et fidélité.
Alors, elle allume la petite lampe qui déploie sa corolle d’or sur la couverture de cuir.
Elle se prépare un capuccino bien mousseux et la tasse à la main, elle s’assoit. La page blanche lui est douce comme une tendre taie dans laquelle elle couche sa première pensée.
« Tout va bien finalement. »
L’encre fleure bon la terre mouillée sur les chemins d’automne.
Une goutte sèche en luisant sur la boucle de la majuscule du premier mot.
« Tout ».
Elle se surprend à sourire.
En apparence, il ne se passe rien.
Elle est sagement assise. Ses épaules semblent immobiles. On devine qu’elles sont animées d’un mouvement imperceptible si l’on s’approche de sa nuque inclinée sur le papier.
L’une de ses mèches entoure de blond une phrase. La plus brève. Mais la plus importante.
« Que j’aime le silence. »
Il est vrai que l’on n’entend plus le moindre ronronnement de moteur sur la route qui borde la maison.
C’est ainsi qu’elle se redécouvre, à l’écoute du frêle frottement de la pointe de la plume contre le papier.
En se penchant davantage, elle constate qu’une fenêtre s’ouvre.
Et elle se voit s’échapper naturellement du cadre de la marge, dépasser le cahier, la chambre, la lampe, la fenêtre elle-même pour cheminer plus loin, c’est-à-dire écrire un poème qui, en enjambant chaque espace, dessine un sentier
jusqu’à son cœur.
Géraldine Andrée Muller
Écrivaine privée-biographe familiale-praticienne en écriture thérapeutique de vie