Les infox, fausses informations, se propagent comme un virus lors d’une épidémie et renforcent la fracture sociale … Dès lors, comment éduquer notre cerveau pour recoudre ensemble le tissu social ?
Après les débats qu’ont suscité récemment les documentaires The Social Dilemma et Hold-up, il est plus que nécessaire de comprendre nos mécanismes cérébraux pour arriver à faire la part des choses entre vraies et fausses informations, développer son propre sens critique. Une étude du MIT de 2018 nous montre que les infox voyagent six fois plus vite que les vraies informations.
« Simplicité, caractère spectaculaire, dégoût et surprise sont les premiers carburants générateurs de clics » déclare Albert Moukheiber, docteur en Neurosciences Cognitives dans son livre « Votre cerveau vous joue des tours ».
Il nous donne plusieurs clés pour développer une véritable hygiène de consommation de l’information.
En voici 5 principales :
1. Comprendre nos biais cognitifs
Un biais cognitif est une distorsion dans le traitement cognitif d’une information. Le terme biais fait référence à une déviation systématique de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité qui peut parfois altérer notre perception des faits.
Les biais cognitifs peuvent être organisés en quatre catégories. Il y a les biais qui découlent de : trop d’informations, pas assez de sens, la nécessité d’agir rapidement et les limites de la mémoire.
Argument d’autorité, fausses analogies, preuves anecdotiques, mille-feuille argumentatif…autant de stratégies utilisées de tout temps pour faire croire à notre cerveau des arguments fallacieux. Influence et manipulation de Robert Cialdini est une lecture complémentaire, datant de 1990 et réédité en 2004, qui permet de reconnaître les grandes techniques de persuasion, et de comprendre celles qui peuvent être nuisibles.
Alors comment s’y retrouver pour se « débiaiser » et auto-éduquer notre cerveau ?
2. Dépasser nos pensées automatiques par le stretching mental
Pas de recette miracle, mais un apprentissage qui peut se faire en douceur.
Nous produisons automatiquement des pensées ou des émotions premières qui nous permettent des raccourcis et d’évoluer dans un monde trop complexe pour être appréhendé dans toutes ses nuances. Viennent se superposer des pensées secondes, pensées sur nos pensées, qui s’expriment par une petite voix dans notre tête : on les appelle les méta-cognitions.
Autant nous ne pouvons pas agir sur les pensées premières, autant nous sommes responsables d’agir sur nos méta-cognitions, en prenant de la hauteur sur nos premiers réflexes, pour gagner en flexibilité mentale. Vous pouvez alors reprendre du contrôle sur vous-mêmes.
3. Apprendre à douter à bon escient
L’être humain est ainsi fait que « nous aimons croire que nos croyances et opinions sont justifiées car il est désagréable d’avoir tort. » Pour contrer cette tendance naturelle, Albert Moukheiber recommande de nous attacher à la raison pour laquelle nous avons une certaine opinion et pas l’opinion elle-même et d’attribuer un indice de confiance de nos opinions et nos croyances, aussi bien les anciennes que les nouvelles. Le but est de savoir à quel moment douter et à quel moment nous faire confiance en adoptant un mode de pensée graduel (j’en sais beaucoup/j’en sais peu) plutôt qu’un mode binaire (je sais/je ne sais pas).
« Pour être moins victimes d’erreurs de raisonnement, il faut être moins flemmards, moins passifs, plus dans le doute et le désir de vérifier auprès de sources fiables. »
Albert Moukheiber
Attention néanmoins à ne pas tomber dans l’extrême inverse du doute pour tout, tout le temps. Le meilleur outil c’est le « doute constructif, tourné vers soi, et non un doute accusateur tourné sur les autres (…) un doute nuancé plutôt qu’un doute absolu. »
« Douter de tout, ou tout croire, sont deux solutions également commodes, qui nous dispensent de réfléchir.»
Henri Poincarré
4. Apprendre à lire le web de manière horizontale
Selon une étude de chercheurs à Stanford, les utilisateurs lambda non-avertis ont tendance à lire de haut en bas, sans chercher à aller vérifier la validité de ce qu’ils lisent, alors que les fast-checkers professionnels ouvrent systématiquement plusieurs onglets dès lors qu’une information leur parait douteuse et repèrent donc plus vite les infox.
Comment alors développer une lecture horizontale du web pour ne pas rester passif par rapport à une page mais en ouvrir d’autres, sans être un professionnel de l’information et sans se laisser submergé par la masse d’informations disponibles ? Là est toute la complexité….
« Cette démarche serait plus rapide si le raisonnement critique était enseigné dès le plus jeune âge », insiste le docteur Moukheiber, avec des manuels d’apprentissage de l’esprit critique …
5. Recréer un socle commun de réalité
« Plus nous restons confinés dans l’entre-soi, à travers les réseaux sociaux, plus notre identité prendra la couleur du groupe que nous fréquentons, et nous serons progressivement amenés à rejeter toute voix discordante » nous dit le docteur Moukheiber et ce qu’illustre très bien le documentaire The Social Dilemma.
Pour reconstruire un espace démocratique et d’unité, il faut préserver et développer notre socle commun de réalité des faits. La première chose que nous avons en commun c’est le monde et la nature.
La meilleure chance de recréer du lien, c’est en prenant du recul avec nos certitudes.
« La distance à soi-même qu’instaure un doute philosophique est indispensable pour ne pas devenir fou, ni barbare. Dans cet espace ouvert par le doute viennent fleurir notamment l’humilité intellectuelle, la tolérance envers les autres, le sens de l’humour et de l’autodérision. Des bienfaits en voie de raréfaction ».
Roger Pol Droit, juillet 2019.
Sandrine Larive, Révélatrice de potentiel
Slasheuse en développement personnel, experte en sciences du comportement humain (coach certifiée, praticienne en hypnose et PNL), conférencière sur le Syndrome de l’imposteur, organisatrice de retraites.