« Fais tes devoirs ! » « Apprends tes leçons ! » « Est-ce que tu as fait tes devoirs ? ». Ces petites phrases sont la rengaine quotidienne de beaucoup de familles. Elles modifient le rôle du parent vis-à-vis de l’enfant : le parent devient tour à tour contrôleur, enseignant, pédagogue, voire persécuteur. Les rapports parents-enfants se tendent et toute la famille peut rentrer en crise !
Le travail scolaire impacte les temps de loisir, de repos, de jeux, des apprentissages -non formels, ainsi que le temps familial. Il peut devenir un vecteur de stress pour la famille qui vit au rythme des devoirs et des leçons.
Toute la famille peut devenir l’otage des enseignants qui abusent des devoir et ignorent la loi[i] ! Les devoirs ne sont pas une obligation, le temps prévu par le décret est de maximum 30 minutes en 5e et 6e primaire. Malheureusement, aucun texte n’existe pour l’enseignement secondaire.
Les devoirs sont-ils une garantie de réussite ?
Est-ce qu’une école qui donne beaucoup de devoirs est une bonne école ?
Les devoirs sont loin d’être une garantie de réussite et de bonne pratique de l’enseignant. Ils renforcent les inégalités entre enfants. Ils sont aussi contre-productifs dans la motivation des élèves. Ils ont un impact non négligeable sur leur santé. Dans ma pratique, je reçois fréquemment des adolescents exsangues qui travaillent plus de 4 heures par jour pour satisfaire aux exigences des parents et de l’école. De plus quand les devoirs servent de remédiation, ils pénalisent des enfants et adolescents déjà fatigués par les efforts qu’ils ont fournis durant la journée[ii]et pour les enfants qui ont assimilé la matière durant les cours, le travail à domicile sera inutile.
C’est dans nos représentations d’adultes que les devoirs sont importants car nous confondons souvent efficacité avec efforts et temps.
Est-ce que le travail à la maison est une nécessité ?
Oui et non !
Oui, le travail à domicile est indispensable lorsqu’il sert à structurer et stabiliser les apprentissages au quotidien. J’y reviens dans « comment aider son enfant ».
Non, lorsque le devoir est une longue série d’exercices. Pour l’enfant qui a compris, cela est inutile et rébarbatif. Pour les enfants qui rencontrent des difficultés, cela accentue leur fatigue et n’apporte pas de réflexion sur le processus et le traitement de l’information. Je rappelle que le décret prévoit une individualisation des devoirs !
Le travail à domicile est aussi censé renforcer le lien entre l’école et la maison ainsi que de favoriser le dialogue parent-enfant et là j’ai de sérieux doutes !
Et vous, reprenez-vous du travail tous les soirs à la maison ?
Quelles sont les erreurs qui transforment les devoirs en galère ?
C’est toujours avec les meilleures intentions du monde que les parents se mettent à contrôler les devoirs de leurs enfants, pourtant notre fameux décret prévoit que ceux-ci sont réalisables de façon autonome. Bien malgré lui, le parent envoie alors le message « je ne te fais pas confiance ». Certains parents vont même plus loin pour être sûrs que l’enfant ait de « beaux points », ils réalisent les devoirs pour leur progéniture, le message transmis est « tu n’es pas capable » ou « je sais mieux que toi », bref, une guillotine pour l’estime de soi. Je rappelle que les devoirs ne peuvent pas faire l’objet d’une évaluation certificative.
Certains parents ont beaucoup de mal à admettre que leurs enfants et adolescents fonctionnent différemment d’eux et tentent de leur imposer leur façon de faire. Parfois même, ils menacent, punissent, suppriment des activités sportives…renforçant la pression et le stress,ce qui n’améliore pas les performances et ne favorise pas des relations saines et calmes propices aux apprentissages.
Comment aider son enfant ?
Montrez votre intérêt pour l’école et les apprentissages de votre enfant, complimentez-lesur sa persévérance, son organisation, sa capacité d’attention… Pas de dirigisme, il organise son travail scolaire à sa guise évidemment dans les limites du raisonnable et selon la routine établie. Aidez votre enfant à réfléchir à sa façon d’apprendre. Apprenez-lui quelques mouvements de Brain Gym, qui l’aideront à se détendre et à se concentrer avant les devoirs.
Pas de devoir et de leçon le dimanche soir en urgence, au changement de garde alternée. Pour les plus jeunes, vous écrirez un mot pour expliquer la situation. Pour les adolescents, apprenez-leur à être autonomes.
Dans un environnement calme et détendu, laissez l’enfant vous expliquer ce qu’il a compris, écrivez, faites-lui écrire ses idées sur un tableau, une grande feuille de papier en respectant sa structure. Cette démarche s’appelle la réactivation des savoirs, elle est fondamentale dans la mémorisation à long terme.
La réactivation est une étape indispensable dans la mémorisation, c’est le travail à domicile qui devrait être systématisé. Tous les soirs, l’adolescent repasse dans sa mémoire ce qu’il a retenu des différents cours de sa journée (environ 5 minutes par cours). Ensuite, il compare avec son cours et il complète sa structure. En fin de semaine, il reprend le processus pour tous les cours de la semaine. Lorsque les adolescents travaillent de cette manière, ils n’étudient plus pour les points mais pour savoir ! Chaque semaine, la matière s’enroule sur les acquis des semaines précédentes. La réactivation est aussi importante avant de commencer le devoir, en effet, nombre d’enfants se lancent dans un devoir sans avoir réactivé les connaissances et s’épuisent.
Les méthodes pour structurer la pensée et mémoriser sont multiples, mais aucune ne sont universelles. L’enfant, avec votre aide, va trouver par lui-même celle qui lui convient.
Pour apprendre, mémoriser, se souvenir, faites appel aux jeux, aux manipulations, donnez du sens. Notre mémoire fonctionne lorsqu’elle sent l’utilité et nous pouvons la produire artificiellement par la répétition (réactivation) et les questions. Les questions sont magiques pour maintenir et renforcer la curiosité : Qui ? Quoi ? Quand ? Comment ? Combien ? Où ? … Mais aussi : En quoi ? Quels moyens ? Comment penses-tu ? De quelle manière ? …
La mémoire se nourrit aussi de ce que nos sens perçoivent : Je vois, je lis, j’entends, je réactive, j’élabore des réponses avec mes mots, je dis, j’entends, j’écris, je dessine, je mime… je mémorise.
Soutenez leur envie d’apprendre par des activités en famille. Nous apprenons partout et tous les jours !
Ces quelques conseils généraux ne sont pas une panacée.
Pour aller plus loin, je vous livre mes ouvrages préférés et il en existe beaucoup d’autres. Pour parler des devoirs avec les enfants, j’ai un faible pour « c’est la vie LuLu », Bayard jeunesse, 2008.
Aider son enfant à compter et calculerde D. De Hemptinne et aussi aider son enfant à écrire, aider son enfant à lire, Deboeck supérieur.
J’aide mon enfant à mieux apprendre, Bruno Hourst, Eyrolles, 2014.
Et pour les grands et très grands : Devenir efficace dans ses études, Christian Bégin, chronique sociale, Lyon.
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[i] Décret du 29 mars 2001 visant à réguler les travaux à domicile dans l’enseignement fondamental paru au Moniteur Belge du 15 mai 2001.
[ii] Je pense aux enfants DYS et TDA/H