On écrit souvent parce que personne n’écoute

On écrit souvent parce que personne n’écoute

Nous sommes nés dans un monde où les mots affluent comme des rivières tumultueuses, mais où les oreilles semblent être devenues des terres arides, rarement touchées par les eaux nourrissantes de l’écoute. Il y a une mélancolie, presque un deuil, dans cette reconnaissance que nos paroles, souvent, ne trouvent pas d’écho dans le cœur des autres. Les conversations se transforment en monologues, les monologues en silences, et ces silences en un papier patient, attendant le toucher de l’encre.

Dans chaque recoin de nos vies, il y a cette lutte incessante pour être entendu. Les salles de réunion retentissent de voix qui se chevauchent, non pas dans une harmonieuse cacophonie, mais dans une bataille de suprématie où l’écoute est le premier sacrifice. Dans les foyers, les mots sont souvent prononcés, mais rarement reçus, comme des feuilles emportées par un vent indifférent. Les jeunes parlent, débordant d’idées et de rêves, mais sont accueillis par des regards distraits et des hochements de tête absents. Les anciens partagent les sagesses d’une vie vécue, mais trouvent trop souvent devant eux des esprits occupés par les écrans lumineux et les murmures du moderne.

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Ce manque d’écoute crée un vide, un abîme qui sépare les âmes. Dans ce gouffre, les incompréhensions germent, les jugements se forment sans fondement, et les relations se flétrissent sous le poids d’une indifférence tacite. On juge sans connaître, on assume sans questionner, on conclut sans entendre. Et dans ce tourbillon de malentendus, l’essence même de la communication se perd, comme une étoile filante dans un ciel obscurci par les nuages de l’ignorance.

Face à ce silence assourdissant, l’écriture devient un sanctuaire. Les mots, quand ils sont écrits, acquièrent une forme de permanence, un poids que la parole éphémère ne peut souvent pas soutenir. Écrire, c’est dialoguer avec un monde invisible, c’est créer un pont entre l’âme et la feuille blanche, c’est trouver une oreille dans l’immobilité de la page. C’est là, dans la solitude de l’acte d’écrire, que les mots trouvent enfin un refuge, un espace où ils peuvent exister pleinement, écoutés par le silence respectueux du papier.

Dans ce monde où l’on parle pour ne pas entendre, où l’on écoute sans comprendre, l’écriture devient une forme de résistance, un acte de foi envers la possibilité d’une connexion plus profonde. C’est un cri silencieux, un appel à l’écoute, un souhait ardent que nos pensées, nos peurs, nos joies et nos peines soient enfin reconnues. L’écriture est cette conversation avec l’inconnu, un dialogue avec l’absent, une main tendue vers l’autre, dans l’espoir qu’un jour, quelqu’un, quelque part, lira ces mots et se dira : « Je comprends, je ressens, j’écoute. »

Dans la douceur d’une nuit étoilée, là où les mots s’envolent comme des papillons dans un ciel sans fin, je m’assieds, plume à la main, pour confesser ce que mon cœur sait déjà. C’est une vérité à peine murmurée, un secret partagé par tant de gens dans ce monde bruyant et pourtant si silencieux : on écrit souvent parce que personne n’écoute.

Et ainsi, l’écriture devient une prière, un espoir, un geste d’amour envers l’inconnu. Chaque mot écrit est un fil tendu dans le vide, dans l’espoir qu’une main invisible le saisisse de l’autre côté. Dans l’acte d’écrire, nous déposons nos cœurs sur le papier, vulnérables, crus, vrais. Il y a une beauté presque sacrée dans cette offrande, une foi inébranlable en la puissance de la connexion humaine, même dans sa forme la plus silencieuse.

C’est dans le sanctuaire de l’écriture que nous trouvons la liberté d’exprimer ce qui est trop douloureux, trop complexe, ou simplement trop réel pour être dit à haute voix. Là, dans l’intimité de nos pensées et de nos mots, nous trouvons un espace pour guérir, pour comprendre, pour grandir. Chaque page tournée est un pas de plus vers la compréhension de soi et des autres. Chaque histoire partagée est une fenêtre ouverte sur un autre monde, une autre vie, un autre cœur.

Et peut-être, dans ce partage silencieux, se trouve la clé pour briser les murs de notre isolement. Car même si nos paroles écrites peuvent ne jamais être lues, elles envoient des ondes dans l’univers, des vibrations d’espoir, d’empathie, de compréhension. Peut-être qu’en écrivant, nous apprenons à écouter – non pas avec nos oreilles, mais avec nos âmes. Peut-être que dans l’acte d’écrire pour personne, nous écrivons en réalité pour tout le monde, tissant un réseau invisible qui relie les cœurs solitaires.

Dans ce monde où l’écoute est un art oublié, l’écriture nous rappelle que chaque voix mérite d’être entendue, que chaque histoire mérite d’être racontée. Dans la tranquillité de nos chambres, sur des bancs de parcs, dans les cafés bruyants, nous écrivons – pas pour le bruit, mais pour la vérité. Nous écrivons pour capturer l’essence de nos vies, pour laisser une trace de notre passage, pour dire à ceux qui viendront après nous : « Voici ce que c’était que de vivre, d’aimer, de souffrir, de rêver dans notre temps. »

Et alors, même dans le vacarme incessant de ce monde, même dans le tourbillon des vies non écoutées, les mots écrits persistent, témoignage éternel de notre existence, de notre besoin profond d’être compris, d’être aimés, d’être vraiment écoutés. Dans chaque phrase, dans chaque ligne, réside un espoir inébranlable : que quelqu’un, quelque part, lira ces mots et se sentira moins seul, moins perdu, plus compris.


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C’est ainsi que nous écrivons, pas seulement parce que personne n’écoute, mais parce que dans ce vaste monde, il y a toujours quelqu’un qui, peut-être, cherche à entendre exactement ce que nous avons à dire. Notre écriture est un pont jeté sur l’abîme de l’incompréhension, une main tendue dans l’obscurité, un murmure d’amour dans le silence.

On écrit souvent parce que personne n’écoute, mais en écrivant, nous apprenons le plus beau des langages : celui de l’écoute du cœur.

Nelly

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