Voulez-vous réellement quitter le manipulateur?

Voulez-vous réellement quitter le manipulateur?

D’emblée, mes clients (des hommes et des femmes) me disent tous qu’ils veulent sortir des griffes du manipulateur ou de la manipulatrice. Mais, dans un même souffle, ils veulent aider le manipulateur à se sentir mieux, à avoir des amis, à améliorer ses finances…

Peur, quand tu nous tiens

Examinons un premier cas. Une de mes cliente gère une entreprise depuis plusieurs années déjà. Craintive de se partir à son compte, elle a donc choisi d’avoir un associé : son conjoint de l’époque. Pour l’aider à ranger du matériel 3h par mois, il a exigé un salaire mensuel de 1000$. Oui, vous avez bien lu. Or, suite à son divorce, l’entrepreneure continuait de lui verser ce montant bien que l’ex ne prenne plus part à aucune activité au sein de l’entreprise. Pourquoi? Pour ne pas l’affronter. Elle avait une peur terrible de ses crises de colère. Il faut dire que l’agressivité dont faisait preuve monsieur était en effet terrifiante.

Le budget de l’entrepreneure était-il à son point enviable qu’elle avait les moyens de payer une telle somme? Pas du tout. Elle était même dans le rouge. Et pourtant, cela lui a pris 7 mois de coaching avant de mettre fin à cette dépense. Comment a réagi le manipulateur? En hurlant évidemment. Il fallait s’y attendre. Mais elle avait fait changer les serrures avant qu’il ne puisse venir piger dans la caisse par lui-même (comme il l’avait fait à plusieurs reprises) et avait fait retirer son nom des signataires de chèques.

Durant les premières rencontres d’accompagnement de gestion de son entreprise, elle m’avait avouer ne pas être prête à affronter le manipulateur ni même à s’en éloigner. Pourtant, il était en train de faire couler son entreprise. Même si son psy tentait tant bien que mal de lui faire voir par elle-même que la situation n’avait pas bon sens, elle ne parvenait pas à s’en libérer. Il lui a fallu 1 an et demi avant de se séparer. Qu’est-ce qui l’a convaincue? Trois questions que je lui ai posées à plusieurs reprises : est-ce que cette relation correspond à ce que tu recherches? Est-ce qu’il s’agit du modèle de relations amoureuses que tu veux léguer à tes enfants? Es-tu heureuse 80% du temps avec lui. Discutes-en avec ton psy…

Dépendance, quand tu nous tiens

Voici un deuxième cas. Un de mes clients a mis fin à sa relation avec une manipulatrice il y a environ trois ans. À l’époque, il ne m’avait pas cru quand je lui avais dit qu’elle allait le relancer de nombreuses fois et qu’elle allait le culpabiliser d’avoir pris une telle décision au point de le torturer. Mais quand je l’ai revu, un mois plus tard, elle lui avait déjà laissé plus d’une vingtaine de messages sur sa boîte vocale et par courriel dans lesquels elle l’accuse d’être la cause de son retour vers son ex «batteur de femmes». Il lui a fallu relire mon livre «Relations sous emprise» trois fois pour se convaincre de ne pas essayer de la «sauver».

Puis, deux ans plus tard, il est tombé amoureux d’une autre manipulatrice. Celle-ci menaçait de se suicider à chaque fois qu’ils avaient une discussion de fond. Incapable de s’éloigner d’elle sans se sentir coupable, il pensait sérieusement être la personne la mieux placée pour la coacher dans son cheminement. Or, on ne peut pas être le conjoint, ni même l’ex, et le thérapeute en même temps. Et puis, il faut se le dire, le manipulateur, quel qu’il soit, ne veut pas s’en sortir. Il ne veut pas cheminer. Il veut votre attention… et il l’obtient.

Mon client ne voulait pas quitter la manipulatrice, il voulait avoir un rôle de sauveur, car ainsi sa vie prenait un sens et avait de la valeur à ses yeux.

Solitude, quand tu nous tiens

Et enfin, regardons ensemble un dernier cas. Une nouvelle cliente est venue me rencontrer au printemps dernier. Heureuse d’avoir quitté un manipulateur qui espérait qu’elle allait le faire vivre jusqu’à la fin de ses jours, elle n’a mis que quelques minutes avant de m’avouer qu’elle continuait à préparer tous les repas de cet homme le dimanche. Pourquoi? Seule à la maison, sans enfants, elle avait le sentiment d’être inutile. Cuisiner et nourrir, à ses frais, l’ex-manipulateur lui donnait le sentiment de contribuer, de sauver quelqu’un. Mais, en arrière-plan, ce comportement la programmait chaque semaine à se sentir faible, incapable de dire non, facile à manipuler, redevable, obligée, contrainte, attachée. Quand je lui ai dit qu’elle devait retrouver sa liberté et qu’elle devait laisser l’ex se débrouiller, elle a bien failli s’étouffer. La panique la gagnait à la simple idée d’être libre et donc seule le dimanche… jusqu’à ce que je lui parle de la possibilité de faire du bénévolat auprès de gens qui veulent vraiment s’en sortir.

Conclusion

Dans tous les cas, ces clients ne voulaient pas réellement quitter le manipulateur. Ils espéraient en fait que le manipulateur changerait, qu’il redeviendrait comme au début de la relation. Dans la vraie vie, les manipulateurs, manipulatrices et pervers narcissiques ne changent pas. Ils contaminent négativement leur entourage.

Annabelle Boyer, CRHA, M.SC Administration, synergologue, génagogue et auteure
Analyste du langage corporel et experte en comportement manipulateur